Soyouz | Séparation des compartiments

Les trois compartiments qui constituent le vaisseau Soyouz doivent impérativement être séparés avant la rentrée dans l'atmosphère, de manière à ce que le SA puisse s'orienter correctement et ramener l'équipage en toute sécurité.

Cette section présente de façon succincte les mécanismes qui permettent de maintenir les compartiments solidement attachés pendant tout le vol, tout en assurant leur séparation le moment venu.

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Vidéo 1 : Essai au sol de la séparation du SA et du PKhO, dans les années 1960.
Crédit : Космический испытатель.

Nous nous intéresserons ensuite aux commandes informatiques et électriques qui permettent d'ordonner la séparation de manière redondante. Enfin, nous verrons qu'à au moins trois reprises dans la longue histoire de Soyouz, la séparation des compartiments ne s'est pas déroulée correctement, menaçant à chaque fois la sécurité des cosmonautes.

1. Mécanismes

Le Compartiment de descente (SA) est relié au compartiment des instruments de bord (PAO) par l'intermédiaire du compartiment de transfert (PKhO, Переходный Отсек).

Fig. 1 : Schéma du vaisseau Soyouz.

Le PKhO est muni de cinq verrous 11F732.0101-0A1 et de cinq ressorts 11F732.0130-30A, répartis successivement sur toute la circonférence, comme montré sur la figure 2.

Fig. 2 : Disposition des ressorts et des verrous sur le PKhO.

Fig. 3 : Vue du PKhO et emplacement d'un des boulons explosifs.
En vol, cette zone est recouverte d'une protection thermique.

Afin d'assurer une redondance, chaque verrou est constitué de deux boulons pyrotechniques. Avant, il s'agissait de modèles 8Kh55, mais depuis Soyouz TMA-13 ce sont des modèles 15Kh571 (le changement a été effectué suite aux problèmes rencontrés par Soyouz TMA-10 et Soyouz TMA-11).

Fig. 4 : Schémas des verrous pyrotechniques,
en positions fermée (en haut) et ouverte (en bas).

Après activation des boulons pyrotechniques, les ressorts permettent d'éloigner les deux compartiments, évitant ainsi tout risque de collision.

2. Commande

Cette section n'est valable que pour la version Soyouz TM.

La séparation du PAO et du BO est lancée quand le système électrique du vaisseau reçoit la commande OK-53 « Séparation » (celle-ci est précédée de la commande OK-52 « Séparation préliminaire »).

Les commandes OK-52 et OK-53 peuvent être émises de plusieurs manières différentes :

- En mode nominal, c'est l'ordinateur de bord (BTsVK) qui l'envoie. L'ordre peut être annulé manuellement par la commande « ODR » (fin du régime dynamique) sur le tableau de bord KSP gauche (Fig. 4).

- Elle peut également être envoyée par l'APVU, le dispositif qui synchronise les différents programmes. Il lance alors son « programme n°11 ».

- Les cosmonautes peuvent donner un ordre manuel de séparation au moyen des commandes critiques OVK2 « préparation de la séparation » et OVK9 « séparation ».

- De plus, par sécurité, le vaisseau est équipé d'un Système de Mesure de la Température (STD, Система термодатчиков) qui permet d'envoyer une commande de séparation quand la température atteint 150°C (± 10°C), ce qui correspond à une altitude de 105 à 110km. Le STD est constitué de six capteurs de température placés sur l'anneau inférieur du compartiment des instruments (AO). Trois d'entre eux sont représentés sur la figure 6.

Fig. 6 : Emplacement des capteurs du STD.

La réception de la commande OK-53 a les conséquences suivantes :

   - désactivation des sécurités sur les verrous pyrotechniques
   - connexion de la batterie du SA (BSA)
   - décharge des bus Se et B
   - rupture des câbles reliant les masses du SA et du PAO vers le BO (sectionneurs pyrotechniques)
   - 0,1" plus tard, activation des verrous pyrotechniques reliant le BO au SA
   - 1,5" après le largage effectif du BO, largage de la plaque d'étanchéité du SA
   - 0,35" plus tard, activation des verrous pyrotechniques qui séparent le PAO du SA

Sur un vol en provenance de la Station Spatiale Internationale, cette séquence de séparation intervient à une altitude d'environ 140km. La figure 7 présente le système électrique sur lequel agit la commande OK-53.

Fig. 7 : Le système électrique du vaisseau Soyouz.
On voit que la commande de séparation OK-53 permet de connecter la batterie (BSA)
et de mettre les bus Se et B en circuit ouvert.

On note que l'équipage peut forcer manuellement la séparation du BO à l'aide des commandes OVK12 et OVK13 (Fig. 4).

3. Historique

Au cours de la longue carrière du vaisseau Soyouz dans ses différentes versions, un certain nombre d'incidents liés à la séparation des compartiments ont eu lieu.

3.1. Problèmes de séparation du PAO

Le 18 janvier 1969, le cosmonaute Boris VOLINOV a failli trouver la mort à bord de Soyouz-5, car les verrous pyrotechniques reliant le PKhO au SA n'ont pas fonctionné. En conséquence, le vaisseau n'a pas pu s'orienter correctement et s'est présenté dans l'atmosphère tourné vers l'avant. Finalement, le PKhO a été détruit par l'échauffement et le SA ainsi libéré a pu s'orienter.

Fig. 8 : Vue d'artiste de la rentrée de Soyouz-5.
Image : magazine "Newton", Tokyo.

Cette situation s'est reproduite très récemment, sur Soyouz TMA-10 et Soyouz TMA-11. Suite à ces incidents, une commission d'enquête a été mise sur pieds. Dirigée par Anatoli KOROTEÏEV, de l'Institut Keldych, elle a conclu que les boulons explosifs 8Kh55 étaient à l'origine du problème.

Fig. 9 : Vue d'artiste de la rentrée de Soyouz TMA-11.
Image : Serge GRACIEUX.

Plus en amont, il semblerait que le plasma dans lequel évolue la Station Spatiale Internationale ait provoqué une différence de potentiel trop importante entre le milieu extérieur et la commande des 8Kh55, ce qui les aurait inhibés.

Deux mesures ont alors été prises. D'une part, les 8Kh55 ont été remplacés par des 11Kh571 à partir de Soyouz TMA-13. D'autre part les cosmonautes VOLKOV et KONONIENKO ont entrepris une sortie dans l'Espace en juillet 2008 pour aller récupérer in situ un boulon 8Kh55 de leur vaisseau Soyouz TMA-12. Ils l'ont par la suite ramené sur Terre pour expertise.

De plus, à compter de Soyouz TMA-16, une nouvelle commande est introduite dans la séquence de séparation. Seize secondes après son largage, le PAO est basculé de -78,5° vers l'arrière. De cette manière on considère que, même si le SA était resté accroché au PAO, cette orientation permettrait aux attaches de brûler très rapidement, ce qui éliminerait le risque.

3.2. Accident de Soyouz-11

Le 30 juin 1971, les cosmonautes VOLKOV, PATSAÏEV et DOBROVOLSKI étaient en route pour la Terre à bord du vaisseau Soyouz-11 après avoir réussi la première mission d'occupation d'une station orbitale.

Fig. 10 : VOLKOV, DOBROVOLSKI et PATSAÏEV, le malheureux équipage de Soyouz-11.

Mais lors de la séparation des compartiments, l'explosion des boulons pyrotechniques a fait sortir une liaison rotule de son emplacement, ce qui a violemment tiré sur une valve et l'a ouverte. L'habitacle du SA a alors été directement relié à l'extérieur, et l'atmosphère s'est échappée en quelques secondes, provoquant la mort de l'équipage. C'est suite à cet accident que les scaphandres Sokol ont été introduits.

3.3. Modifications de la séquence de séparation

Au début du programme Soyouz, le compartiment de vie (BO) était largué avant la manœuvre de freinage. Cela permettait de diminuer la masse totale à ralentir, et ainsi d'économiser les précieux ergols.

Toutefois, et pour une raison inconnue, la séquence a été modifiée à partir du vol Soyouz-9, en 1970. A compter de cette date, le BO est conservé durant le freinage, et largué en même temps que le PAO.

Quand la version Soyouz T est introduite, à la fin des années 1970, il est décidé que le BO sera à nouveau largué avant le freinage, ce qui permettra de ne consommer que 100kg d'ergols, au lieu de 120kg.

En 1988, le vaisseau Soyouz TM-5 connaît un dysfonctionnement. Le BO avait déjà été largué, et les cosmonautes s'apprêtaient à rentrer dans l'atmosphère. Mais un problème moteur les a conduits à interrompre manuellement la manœuvre de freinage.

Malheureusement, l'ordinateur de bord a cru que tout s'était bien passé et a continué d'exécuter son programme comme si de rien n'était. Si les cosmonautes ne s'en étaient pas rendu compte à temps, il aurait commandé la séparation du PAO, les privant de tout moyen de revenir sur Terre.

Mais ils ont quand même dû patienter plus de vingt-quatre heures avant de pouvoir rentrer sur Terre, et ce dans l'exigu compartiment de descente. C'est depuis cet incident que le BO est largué après la manœuvre de freinage.

3.4. Incident de Cosmos 670

Le vaisseau Cosmos 670, le premier vol d'essai du 7K-S, a basculé en mode balistique lors de sa rentrée dans l'atmosphère du 9 août 1974 suite à une perturbation trop importante subie lors de la séparation des compartiments. L'origine du problème est un défaut de construction des mécanismes de maintien de la protection thermique du vaisseau.

3.5. Incident de Soyouz TMA-5

Le 13 septembre 2004, alors que le vaisseau Soyouz TMA-5 subit des essais à Baïkonour, l'un des boulons explosifs 8Kh55 est actionné accidentellement. Les charges de ce type de boulons sont très faibles, et aucun dégât n'a été occasionné.


Dernière mise à jour : 13 mai 2017