Soyouz | Stations orbitales

1. Des vols de longue durée

Le TsKBM de Vladimir TCHELOMEÏ développe depuis plusieurs années une station spatiale à vocation militaire dénommée Almaz. Afin d'atteindre rapidement le but fixé par BREZHNEV, l'idée commence à germer de transférer le projet au TsKBEM de MICHINE et d'utiliser ses vaisseaux Soyouz pour faire la navette entre la Terre et la station.

Après de rudes négociations, le projet finit par être entériné : les stations DOS viennent de naître. Afin de préparer les missions à leur bord, un vaisseau 7K-OK sera envoyé pour une mission en solitaire de dix-sept à vingt jours destinée à amasser des données médicales. Cela permettra au passage de battre le record américain de longévité en orbite. Le lancement est prévu pour le centenaire de LENINE, qui interviendra le 22 avril 1970.

Le plan initial était de réaliser deux essais d'amarrage en utilisant le nouveau système Kontakt destiné au vaisseau lunaire, mais ce dernier n'étant pas prêt du tout, les vols sont reportés à la fin 1970.

A Baïkonour, les techniciens rencontrent des ennuis techniques, et le lancement du dix-septième vaisseau 7K-OK n'intervient que le 1er juillet 1970. Rebaptisé Soyouz-9, il emmène les cosmonautes NIKOLAÏEV et SEVASTIANOV pour un vol record de près de dix-huit jours.

Fig. 1.1 : Soyouz-9 après son atterrissage.
Crédit : DR.

Malgré quelques problèmes médicaux; le vol se passe bien dans l'ensemble, et il ouvre la voie aux stations DOS.

2. L'arrivée des stations DOS

Fin 1969, au TsKBEM, le Département n°231 est chargé de mettre au point une nouvelle version du Soyouz. Baptisée 7K-T, ou 11F615A8, elle sera destinée spécifiquement à desservir une station de classe DOS.

Par rapport au 7K-OK, le 7K-T dispose du nouveau système d'amarrage SSVP, qui est équipé d'une écoutille, ce qui évite aux cosmonautes d'avoir à effectuer une sortie dans l'Espace pour passer à l'intérieur de la station. De plus, comme il faut moins de vingt-quatre heures pour atteindre la destination, les équipements de vie sont très simplifiés. Le vaisseau pourra en effet puiser dans les réserves de la station une fois qu'il y sera connecté.

Fig. 2.1 : Schéma du 7K-T, la nouvelle version de Soyouz.
Crédit : DR.

Comme les changements apportés au vaisseau ne concernent pas des systèmes sensibles, tels que les parachutes ou les moteurs, il est décidé de ne pas effectuer d'essai automatique. Les deux premiers 7K-T, numérotés 31 et 32, sont affectés à des missions vers la première station orbitale DOS.

Celle-ci est mise en orbite avec succès par un lanceur Proton le 19 avril 1971. Rebaptisée Saliout, elle fonctionne correctement et est prête à recevoir son premier équipage. Composé des vétérans CHATALOV et ELISSEÏEV, ainsi que de ROUKAVICHNIKOV, il décolle dès le 23 avril 1971 à bord du premier Soyouz de type 7K-T, le n°31, baptisé Soyouz-10.

Fig. 2.2 : Préparation du vaisseau Soyouz-10, le premier 7K-T.
Crédit : DR.

Quand Saliout est en vue, le système Igla amène Soyouz-10 à quelques mètres de la pièce d'amarrage. CHATALOV prend alors les commandes manuelles et réalise la jonction avec la station. A première vue, tout s'est bien déroulé, mais le voyant confirmant la capture ne s'allume pas.

En réalité, tout n'a pas bien fonctionné et l'équipage ne parviendra jamais à terminer l'amarrage. La séparation s'avérera même extrêmement délicate, et les ingénieurs donnent l'ordre de revenir sur Terre. La première mission vers une station orbitale est un échec.

Une commission d'enquête est mise sur pieds, et elle rend ses conclusions le 10 mai 1971. Vraisemblablement, le système d'amarrage est trop fragile et il a été endommagé durant la jonction, l'empêchant ainsi de se terminer correctement. Comme il est important d'effectuer deux missions à bord de Saliout, un nouveau vaisseau (le n°33) est affecté au programme.

3. Nouvelle catastrophe

Des améliorations sont apportées, et un nouveau 7K-T, le n°32, décolle de Baïkonour le 6 juin 1971. Baptisé Soyouz-11, il est piloté par les cosmonautes DOBROVOLSKI, VOLKOV et PATSAÏEV et rejoint Saliout après deux jours de vol. Cette fois encore, le système Igla permet au vaisseau de s'approcher de la station, puis DOBROVOLSKI prend les commandes manuelles.

Fig. 3.1 : VOLKOV, DOBROVOLSKI et PATSAÏEV, le malheureux équipage de Soyouz-11.
Crédit : DR.

Les ingénieurs avaient raison : l'échec de l'amarrage de Soyouz-10 était dû à une trop grande fragilité de la structure. Maintenant qu'elle a été renforcée, tout se passe comme prévu, et Soyouz-11 s'amarre avec succès. Le 30 juin 1971, l'équipage a terminé sa mission et se prépare à rentrer sur Terre. Soyouz-11 se sépare normalement de Saliout et son moteur de freinage SKD donne l'impulsion qui fait plonger le Compartiment de Descente (SA) vers le sol.

Mais lors de la séparation des trois compartiments, une vanne s'ouvre inopinément, et la pression chute. DOBROVOLSKI se détache précipitamment de son siège et tente de fermer manuellement la vanne, bientôt rejoint par PATSAÏEV. Mais au bout de quelques dizaines de secondes, l'atmosphère du vaisseau est totalement évacuée, et les cosmonautes ne survivent pas.

La descente se poursuit quand même normalement, et le SA atterrit dans la zone prévue. Les équipes de récupération se précipitent vers lui, ouvrent l'écoutille, et découvrent les corps sans vie des trois cosmonautes. Les médecins tentent en vain de les réanimer.

Fig. 3.2 : Les funérailles de DOBROVOLSKI, VOLKOV et PATSAÏEV, sur la Place Rouge.
Crédit : DR.

Des funérailles nationales sont organisées sur la Place Rouge, et une commission d'enquête est nommée. Mstislav KELDYCH en prend la direction, et l'une de ses principales recommandations est l'utilisation de scaphandres. MICHINE et FEOKTISTOV rejettent cette idée, car cela réduirait l'équipage à deux cosmonautes.

Le 6 août 1971, le constructeur principal du TsKBEM rencontre le maréchal OUSTINOV pour discuter du problème. Ce dernier est catégorique : plus aucun cosmonaute soviétique ne quittera la Terre sans scaphandre.

Le développement de ce dernier est lancé dès le mois d'août 1971 à l'usine Zvezda de Gaï SEVERINE. Les ingénieurs choisissent de baser leurs recherches sur la combinaison Sokol utilisée par les pilotes d'avions volant à haute altitude. Le nouveau scaphandre est baptisé Sokol-K (K pour « Космос », Espace).

Fig. 3.3 : Le scaphandre Sokol-K de l'usine 918.
Maison Centrale de l'Aviation et de la Cosmonautique. Crédit : Nicolas PILLET.

Au TsKBEM, deux départements planchent sur la modification du 7K-T pour qu'il puisse désormais être compatible avec les nouvelles combinaisons. Le 7K-T n°33, baptisé Cosmos 496, est mis sur orbite sans équipage le 26 juin 1972. Le vaisseau effectue un vol de six jours au terme duquel il revient sur Terre sans incident.

La deuxième station DOS doit être lancée en juillet 1972. Un 7K-T habité y sera envoyé fin août pour mener à bien une première mission puis, en octobre 1972, un deuxième vaisseau ira poursuivre les recherches. Mais ces plans ne se réalisent pas car le lancement de DOS n°2, le 29 juillet 1972, est un échec.

Comme deux vaisseaux 7K-T sont prêts à être lancés, la Commission d'Etat décide d'envoyer le vaisseau n°34 dans l'Espace avec deux cosmonautes dès la fin du mois d'août ou le début du mois de septembre 1972. Mais au dernier moment, les membres de la Commission se rendent compte qu'un tel vol ferait pâle figure en comparaison des vols Apollo, et l'idée est abandonnée.

4. Deux stations au tapis

Depuis la fin des années 1960, le TsKBM de Vladimir TCHELOMEÏ développe les stations orbitales Almaz au profit du Ministère de la Défense. En 1971, il avait été décidé dans un souci de rationalisation d'utiliser le 7K-T du TsKBEM pour les desservir, au moins lors de la première phase d'exploitation. Le département n°37 du TsKBEM avait alors commencé les études d'une version légèrement modifiée du 7K-T, appelée 11F615A9.

Le première station Almaz est mise sur orbite le 3 avril 1973 et est baptisée Saliout-2. Mais la nouvelle station orbitale rencontre de graves dysfonctionnements et cesse de fonctionner quelques jours seulement après son lancement. Toutes les missions qui devaient s'y dérouler sont donc annulées.

Fig. 4.1 : Préparation de Saliout-2 à Baïkonour.
Crédit : DR.

Et ce n'est pas le seul revers que connaît le programme spatial soviétique. Le 11 mai 1973, la mise en service de la troisième station DOS est encore un échec. Un vaisseau 7K-T (n°36) était pourtant prêt à la rejoindre, mais il est finalement ramené au MIK. Il est lancé quelques semaines plus tard, le 15 juin 1973, en tant que Cosmos 573 pour un vol d'essai inhabité de deux jours. Cette mission permet notamment de valider l'emploi de batteries au lieu des panneaux solaires, ce qui permet d'économiser de la masse.

Fig. 4.2 : La version sans panneaux solaires du 7K-T fait son premier vol en juin 1973.
Crédit : DR.

5. Retour en vol

La première mission habitée de Soyouz depuis l'accident de Soyouz-11 est lancée le 27 septembre 1973. Les cosmonautes LAZAREV et MAKAROV embarquent à bord du vaisseau n°37, rebaptisé Soyouz-12, passent deux jours en orbite à tester des techniques de rendez-vous, puis ils reviennent sur Terre.

Fig. 5.1 : LAZAREV et MAKAROV saluent le général KERIMOV
avant d'embarquer sur Soyouz-12.
Crédit : DR.

Cette mission est la première depuis l'accident de Soyouz-11, et elle redonne confiance dans la technologie du 7K-T. Un vaisseau inhabité, baptisé Cosmos 613, décolle ensuite le 30 novembre 1973 pour démontrer que le Soyouz est capable de rester amarré à une station orbitale pendant deux mois.

Avant même son retour sur Terre, Soyouz-13 est lancé le 18 décembre 1973 avec les cosmonautes Piotr KLIMOUK et Valentin LEBEDEV pour un vol scientifique autonome de huit jours.

Fig. 5.2 : KLIMOUK et LEBEDEV à bord de Soyouz-13.
Crédit : DR.

Peu après cette mission réussie, le secteur spatial soviétique est massivement réorganisé. Le TsKBEM devient la NPO Energuia, et c'est le motoriste Valentin GLOUCHKO qui en prend la tête.

6. Le programme Apollo-Soyouz

Au début des années 1970, l'Union soviétique s'était engagée dans un vaste programme de coopération visant à réaliser un amarrage en orbite entre un Soyouz et un vaisseau américain Apollo.

Fig. 6.1 : Le logo du programme Apollo-Soyouz.
Crédit : DR.

La NPO Energuia ne prépare pas un vaisseau spatial pour cette mission, mais six. Une nouvelle version est par ailleurs spécialement développée, elle est appelée Soyouz-M, ou 7K-TM (11F615A12).

Les six vaisseaux sont numérotés 71 à 76. Le premier servira à effectuer un vol d'essai automatique, les deux suivants seront des vols habités, et c'est le quatrième qui sera utilisé pour la mission réelle avec Apollo. Les deux autres sont des réserves en cas de problème avec un autre exemplaire.

Le premier vaisseau, le 7K-TM n°71, est mis sur orbite le 3 avril 1974. Baptisé Cosmos 638, il réalise un vol de près de dix jours au cours desquels ses différents systèmes sont testés.

7. Almaz arrive enfin

Toujours en 1974, une version encore différente du Soyouz est mise au point. Appelée 11F615A9, elle est une adaptation du 11F615A8 destinée à desservir spécifiquement les stations orbitales militaires Almaz. Ces vaisseaux sont toujours des 7K-T mais, pour les différencier ils sont numérotés à partir de 61. Un premier exemplaire, baptisé Cosmos 656, est lancé inhabité le 27 mai 1974 et permet de qualifier la nouvelle version.

La deuxième Almaz, baptisée Saliout-3, est mis sur orbite avec succès le 24 juin 1974. La première expédition vers Saliout-3, constituée de Pavel POPOVITCH et Youri ARTIOUKHINE, décolle de Baïkonour le 3 juillet 1974 à bord de Soyouz-14.

Fig. 7.1 : Embarquement de Soyouz-14.
Crédit : DR.

Cette mission de deux semaines constitue la première occupation entièrement réussie d'une station spatiale soviétique, trois ans après la catastrophe de Soyouz-11.

8. Le Soyouz de deuxième génération

Mais pour assurer des liaisons aussi efficaces que possible avec les stations orbitales, les militaires ressortent des cartons un projet baptisé 7K-S, ou 11F732. Dans les années 1960, la Commission Militaro-industrielle (VPK) avait lancé un grand programme de station orbitale militaire baptisé Soyouz-VI, et le 7K-S devait être le vaisseau pour s'y rendre. Il devait également être capable d'effectuer des missions autonomes pour le compte du Ministère de la Défense.

Fig. 8.1 : Maquette de la station militaire Soyouz-VI.
Crédit : DR.

Le projet de station Soyouz-VI est vite abandonné, mais le vaisseau 7K-S, quant à lui, parvient à survivre. Il est décliné en deux versions distinctes : le 7K-S de base qui effectuera des missions autonomes et le 7K-ST (T pour « Transport ») qui servira à faire les liaisons avec les stations orbitales.

Trois prototypes du 7K-S sont construits, mais cette version est finalement abandonnée. Peu importe, les trois vaisseaux seront quand même envoyés dans l'Espace afin de tester certaines technologies. Le 21 juin 1974, la VPK ordonne la création d'une Commission d'Etat pour superviser ces essais en vol. Un premier vaisseau est lancé le 6 août 1974 sous l'étiquette Cosmos 670. Il accomplit un vol de trois jours et effectue une rentrée balistique, ce qui toutefois ne l'empêche pas d'être récupéré.

9. Trois programmes de front

A ce moment, l'Union soviétique mène de front trois programmes différents utilisant le vaisseau Soyouz : les stations civiles DOS, les stations militaires Almaz et le programme Apollo-Soyouz (EPAS), auxquels il faut ajouter le développement du 7K-ST.

Et effectivement, moins d'une semaine après le premier vol du 7K-S, un deuxième 7K-TM (la version « Apollo-Soyouz ») est envoyé dans l'Espace. Cosmos 672 - c'est son nom - simule une rencontre avec le vaisseau américain lors d'un vol de six jours et rentre sur Terre sans incident.

Mais derrière cette apparente routine, de nombreux problèmes subsistent. Le 26 août 1974, la mission de Soyouz-15 ne peut être menée à bien quand un mauvais fonctionnement du système de rendez-vous Igla empêche l'amarrage sur Saliout-3. Les cosmonautes SARAFANOV et DIOMINE échappent de peu à une collision avec la station et reviennent sur Terre sans avoir pu accomplir leur mission.

Fig. 9.1 : DIOMINE et SARAFANOV avant le départ de Soyouz-15.
Crédit : TASS.

Après cet échec, il n'y aura plus de mission vers Saliout-3. Le prochain vol Soyouz est une répétition générale de la rencontre Apollo-Soyouz. FILIPTCHENKO et ROUKAVICHNIKOV décollent à bord du troisième 7K-TM, baptisé Soyouz-16, le 2 décembre 1974 et réalisent toutes les manœuvres propres à cette mission de coopération.

Fig. 9.2 : Soyouz-16 en préparation dans le MIK.
Crédit : DR.

Fin 1974, le bilan des stations orbitales soviétiques est loin d'être brillant. Sur trois stations civiles DOS, une seule a pu être habitée. Le premier équipage n'a pas pu s'amarrer, et le second est mort lors du retour. De même, deux Almaz militaires ont été mises en orbite. L'une est retombée sur Terre, l'autre n'a pu être visitée que par un seul équipage, le second n'ayant pas réussi à s'amarrer.

Mais l'URSS persévère. En décembre 1974 elle lance la quatrième station DOS, baptisée Saliout-4. Quelques semaines plus tard, un premier équipage part la rejoindre. A bord du 7K-T n°38 rebaptisé Soyouz-17, les cosmonautes GOUBAREV et GRETCHKO réussissent leur amarrage et réalisent un vol de près d'un mois. Ils battent ainsi le record soviétique de durée en orbite, en restant toutefois derrière les Américains.

Fig. 9.3 : Gueorgui GRETCHKO à bord de Saliout-4.
Crédit : DR.

Deux mois après le retour de Soyouz-17, le 7K-T n°39 est prêt à décoller pour poursuivre l'occupation de Saliout-4. Mais le lanceur Soyouz connait une très grave défaillance au bout de seulement quelques minutes de vol, et la mission tourne à la catastrophe. L'équipage est sain et sauf grâce au système de sauvetage d'urgence (SAS).

Fig. 9.4 : Le vaisseau 7K-T n°39 sur le pas de tir.
Crédit : DR.

Moins de deux mois plus tard, Soyouz-18, le 7K-T n°40, est à son tour envoyé vers Saliout-4. Cette fois, le lanceur fonctionne correctement et les cosmonautes KLIMOUK et SEVASTIANOV peuvent s'amarrer à la station. Ils entament alors un séjour qui devra durer deux mois.

Pendant cette mission, l'Union soviétique et les Etats-Unis vont réaliser l'aboutissement du programme Apollo-Soyouz. Les Soviétiques sont les premiers à envoyer leur vaisseau Soyouz-19 sur orbite, le 15 juillet 1975. Les Américains lancent leur dernier vaisseau Apollo quelques heures plus tard depuis le centre Kennedy, en Floride.

Deux jours plus tard, les deux véhicules se rencontrent puis ils s'amarrent alors qu'il survolent Metz. C'est la première mission internationale de l'Histoire. Les cosmonautes passent d'un vaisseau à l'autre et réalisent plusieurs expériences scientifiques communes.

Fig. 9.5 : Le vaisseau Soyouz-19, vu depuis Apollo.
Crédit : NASA.

Soyouz-19 revient sur Terre le 21 juillet 1975, suivi cinq jours plus tard par Soyouz-18. Les deux missions se sont parfaitement déroulées et ont montré la maturité qu'ont maintenant acquis les Soviétiques dans les opérations en orbite terrestre.

Deux mois plus tard, le 29 septembre 1975, un deuxième prototype du 7K-S est mis sur orbite. Dénommé Cosmos 772, il teste pendant trois jours les nouveaux systèmes.

Dans l'objectif d'allonger toujours plus la durée des vols, NPO Energuia a réalisé plusieurs modifications sur le 7K-T, qui pourra maintenant rester amarré quatre-vingt-dix jours à une station orbitale (au lieu de soixante). Il serait bien de tester cette nouvelle amélioration pendant que Saliout-4 est encore sur orbite, mais aucun vaisseau ne sera disponible à temps. Le TsKBEM décide donc d'utiliser un vaisseau de la série A9 destiné aux stations Almaz du TsKBM qui ne sont pas encore prêtes. Le 17 novembre 1975, le vaisseau n°64 baptisé Soyouz-20 est mis sur orbite et s'amarre sur Saliout-4 pour une mission record de trois mois.

10. L'exploitation de Saliout-5

Le TsKBM lance Saliout-5, sa nouvelle station orbitale militaire Almaz, le 22 juin 1976. Elle devrait être visitée par quatre vaisseaux Soyouz.

Le premier est le fameux Soyouz de type A8 que NPO Energuia devait au TsKBM suite à l'emprunt d'un A9. Baptisé Soyouz-21, il permet aux cosmonautes VOLINOV et ZHOLOBOV de passer un mois et demi sur orbite. Le vol devait initialement durer plus longtemps, mais les problèmes de santé de ZHOLOBOV ont conduit à un retour anticipé.

Fig. 10.1 : Le vaisseau Soyouz-21 à Baïkonour.
Crédit : DR.

Ensuite, une mission en solitaire est menée à bien pour tester l'appareil photo multispectral MKF-6, qui équipera dans l'avenir les stations DOS. Le vaisseau 7K-TM n°74 non utilisé par le programme Apollo-Soyouz, est recyclé dans cet objectif.

C'est ainsi que Soyouz-22 s'envole le 15 septembre 1976 avec les cosmonautes BYKOVSKI et AKSIONOV pour une mission d'un peu moins de huit jours qui permet de qualifier le MKF-6.

Fig. 10.2 : Soyouz-22 en préparation à Baïkonour, avec l'appareil MKF-6.
Crédit : Союз-22 исследует Землю.

Ensuite, un nouvel équipage est envoyé sur Saliout-5 le 14 octobre 1976 à bord de Soyouz-23. Malgré de nombreux efforts, ZOUDOV et ROZHDIESTVIENSKI ne parviendront jamais à s'amarrer à la station et ils doivent revenir sur Terre après deux jours de vol.

Mais des vents extrêmement violents font dévier le vaisseau qui se pose au milieu du lac Tengiz, au Kazakhstan, dans une eau gelée. Soyouz-23 est passé à deux doigts de couler, mais les équipes de récupération parviennent finalement à sauver l'équipage.

Fig. 10.3 : Soyouz-23 est hélitreuillé hors du lac Tengiz.
Crédit : TASS.

Un mois après cet incident, le 29 novembre 1976, NPO Energuia lance son troisième 7K-S, baptisé Cosmos 869, qui effectue un programme d'essais sur orbite de près de trois semaines. Ensuite, Soyouz-24, emmène GORBATKO et GLAZKOV sur Saliout-5 pour une mission de trois semaines. Une fois encore, le système de rendez-vous automatique ne fonctionne pas et le commandant doit effectuer la jonction en mode manuel.

Une dernière mission vers Saliout-5 est prévue avec le 7K-T n°67, mais compte tenu des délais de construction et de validation de celui-ci, elle est annulée.

11. L'exploitation de Saliout-6

Le 29 septembre 1977, la NPO Energuia met sur orbite sa nouvelle station DOS : Saliout-6. Elle est le premier exemplaire d'une nouvelle génération, qui se différencie des précédentes par une seconde pièce d'amarrage. Cette nouveauté va permettre, d'une part, d'effectuer des relèves d'équipages (un nouveau vaisseau pouvant être reçu alors que l'ancien est toujours là), mais aussi d'accueillir les nouveaux vaisseaux automatiques de ravitaillements 7K-TG.

Fig. 11.1 : Vue d'artiste de Saliout-6 en orbite.
Un vaisseau Soyouz est amarré à l'arrière et un autre s'approche de l'avant.
Crédit : DR.

Le premier vol vers Saliout-6 ne se passe pas bien. Le 7K-T n°42, dénommé Soyouz-25, ne parvient pas à s'amarrer à la station et les cosmonautes KOVALIONOK et RIOUMINE doivent revenir sur Terre sans avoir accompli leur mission.

Le vol suivant, celui de Soyouz-26, est en revanche un succès. Alors que ROMANENKO et GRETCHKO sont à bord de Saliout-6, ils reçoivent la visite de deux autres vaisseaux habités, Soyouz-27 et Soyouz-28, ainsi que du premier vaisseau ravitailleur 7K-TG, baptisé Progress-1.

L'équipage de Soyouz-27 est rentré sur Terre avec Soyouz-26, laissant ainsi un vaisseau neuf à ROMANENKO et GRETCHKO, ce qui leur permettra de rester bien plus longtemps sur orbite, et au passage de battre le record de longévité dans l'Espace, jusque là détenu par les Américains.

En mars 1978, Soyouz-28 transporte le Tchécoslovaque Vladimír REMEK, premier cosmonaute issu d'un autre pays que l'URSS ou les Etats-Unis. Cette première, réalisée dans le cadre du programme Intercosmos, constitue une grande victoire politique pour l'Union soviétique.

Fig. 11.2 : GOUBAREV et REMEK embarquent sur Soyouz-28.
Les deux hommes constituent le premier équipage international de l'Histoire.
Crédit : TASS.

De nombreux autres succès suivent celui-ci. En avril 1978, le premier vaisseau 7K-ST est mis en orbite, et baptisé Cosmos 1001.

Deux mois plus tard, Soyouz-29 emmène une nouvelle mission de longue durée sur Saliout-6. Les cosmonautes KOVALIONOK et IVANTCHENKOV reçoivent la visite de deux équipages internationaux de visite, Soyouz-30 (Pologne) et Soyouz-31 (Allemagne de l'Est), puis reviennent sur Terre.

Fig. 11.3 : HERMASZEWSKI et KLIMOUK, l'équipage soviéto-polonais de Soyouz-30.
Crédit : DR.

Ce type de missions va bientôt devenir routinier, et on distinguera ainsi les « expéditions principales » (EO) et les « expéditions de visite » (EP).

Justement, une troisième expédition principale décolle en février 1979 à bord de Soyouz-32. Les cosmonautes LIAKHOV et RIOUMINE, qui en constituent l'équipage, s'installent à bord de Saliout-6 et attendent leur première visite. Mais celle-ci ne viendra jamais.

Soyouz-33 décolle de Baïkonour le 10 avril 1979 avec le Soviétique ROUKAVICHNIKOV et le Bulgare IVANOV, mais un grave dysfonctionnement du moteur SKD ne permet pas de réaliser le rendez-vous. Le retour sur Terre devra se faire avec le moteur de secours, mais celui-ci a été endommagé lors de la défaillance du SKD ! Il parvient quand même à fonctionner suffisamment longtemps pour assurer la rentrée dans l'atmosphère.

Fig. 11.4 : ROUKAVICHNIKOV et IVANOV embarquent à bord de Soyouz-33.
Crédit : TASS.

Les ingénieurs se posent cependant des questions. Si les moteurs de Soyouz-33 étaient défaillants, peut-être que ceux de Soyouz-32, que l'équipage de Saliout-6 utilisera pour rentrer, le sont aussi. Dans le doute, le vaisseau Soyouz-34 est envoyé sans équipage avec un certain nombre de modifications. C'est avec lui que LIAKHOV et RIOUMINE reviennent sur Terre, après que Soyouz-32 se soit posé sans incident en mode automatique.