Kours | Histoire

1. Le développement

Le NII-648 de Babouchkine avait déjà développé les systèmes radios des premiers satellites artificiels, des vaisseaux Vostok, et le premier système de rendez-vous Igla pour les stations Saliout.

En 1979, c'est donc tout naturellement que le NII-648 se voit à nouveau confier la conception du système Kours. La direction du projet est confiée à Aleksandr MORGOULEV, et le système entre en service en 1986 avec l'arrivée de la nouvelle station Mir.

La production en série des différents éléments du système Kours est assurée par l'entreprise ukrainienne PAO Elmis (anciennement Kievski Radiozavod).

Fig. 1 : Le NII TP, ex NII-648, à Babouchkine, dans la banlieue de Moscou.
Crédit : DR.

Plus tard, le NII-648 devient l'Institut de Recherche Scientifique sur les Instruments de Précisions, ou NII TP. EN 1988, Vladislav SOUSLENNIKOV prend la tête du projet. Il supervisera notamment le développement de la version améliorée Kours-MM et l'adaptation du Kours à la Station Spatiale Internationale. Ensuite, en 2000, il passe la main à Sergueï MEDVEDEV.

Dans les années 1980, le NII TP avait développé la version Kours-35 destinée à équiper la navette Bourane, mais ce programme fut par la suite annulé.

De même, une version améliorée Kours-MM avait été développé pour la Station Spatiale Internationale, mais elle a été abandonnée en 2000. Le nom de code de la partie passive de ce système est appelée 171A2, et sa partie active 171A1. Le Kours-MM devait être plus léger, plus petit, et surtout plus fiable que la version de base. En cette même année 2000, le NII TP a commencé le développement de la version Kours-ATV, qui équipe les vaisseaux cargos européens ATV.

2. Les missions vers la station Mir

Le système Kours est en service opérationnel depuis près de vingt-cinq ans. Il est apparu sur les vaisseaux Progress M et Soyouz TM en 1986, en remplacement du précédent système, appelé Igla, nettement moins performant.

En effet, avec Igla, la station orbitale visée par le vaisseau n'était pas passive : elle devait s'orienter de façon à permettre la jonction sans que le vaisseau arrivant ait besoin de manœuvrer.

Le premier amarrage réalisé grâce à Kours a eu lieu le 23 mai 1986, quand le vaisseau inhabité Soyouz TM est venu accoster la station Mir. Un premier incident a lieu en 1988, quand le Kours du vaisseau Soyouz TM-5 envoie de mauvaises données qui obligent Anatoli SOLOVIOV à prendre les commandes manuelles pour s'amarrer sur Mir.

Fig. 2 : Décollage de Soyouz TM-5.
Crédit : TASS.

Trois ans plus tard, en mars 1991, le vaisseau inhabité Progress M-7 rate à deux reprises son approche de Mir, qu'il abordait par le module Kvant. Le TsUP analyse les données du Kours mais ne trouve rien d'anormal. L'équipage de la station monte alors dans le vaisseau Soyouz TM-11 et tente d'approcher la station par l'arrière, suivant ainsi le chemin de Progress M-7, et il rencontre le même problème.

Il est donc clair que c'est l'équipement Kours-P de Kvant qui est en cause. Les cosmonautes amarrent manuellement leur vaisseau sur Kvant et Progress M-7 peut aller rejoindre en automatique le PKhO. Le 25 avril 1991, Viktor AFANASSIEV et Moussa MANAROV réalisent une sortie et découvrent que l'antenne 3AO-VKA du Kours-P est endommagée.

Fig. 3 : La station Mir en mars 1991.
Crédit : DR.

L'équipage de relève décolle trois semaines plus tard à bord de Soyouz TM-12 et essaye de s'amarrer sur le PKhO, mais cette fois c'est le Kours-A du vaisseau qui envoie des données incorrectes. Finalement, le 24 juin 1991, Anatoli ARTSEBARSKI et Sergueï KRIKALIOV sortent dans l'Espace et installent une nouvelle antenne. Les opérations sur le module Kvant redeviennent normales.

Le 2 juillet 1992, un défaut sur le système Kours de Mir conduit à l'échec de la première tentative d'amarrage du vaisseau Progress M-13. Une seconde tentative sera réalisée sans incident deux jours plus tard. Le 29 juillet 1992, l'une des deux voies du Kours du vaisseau Soyouz TM-15 tombe en panne. L'amarrage a quand même lieu de façon automatique grâce à la seconde voie redondante.

Le 30 août 1994, le vaisseau de ravitaillement Progress M-24 tente de rejoindre Mir par le PKhO. Mais un dysfonctionnement du système Kours de la station entraîne des mouvements erronés du vaisseau, qui percute à plusieurs reprises le module Kvant-2, heureusement sans provoquer de dégâts. Youri MALENTCHENKO doit utiliser le nouveau système TORU pour téléguider manuellement le vaisseau vers la station.

Deux mois plus tard, le 6 octobre 1994, c'est au tour du vaisseau Soyouz TM-20 d'approcher Mir par le PKhO mais, une fois encore, le Kours tombe en panne et Aleksandr VIKTORENKO doit prendre les commandes manuelles. Le 2 novembre 1994, l'équipage de Soyouz TM-19 teste un nouveau mode qui élimine de la logique de fonctionnement l'antenne 3AO-VKA du Kours-P, située sur la station. Tout se déroule normalement, et ce sera donc avec cette méthode que les prochains vaisseaux aborderont la station.

3. Tensions russo-ukrainiennes et problèmes de masse

Le système Kours est développé en Russie par le NII TP, et il est produit en Ukraine par PAO Elmis. Cela ne posait pas de problème du temps de l'Union soviétique, mais aujourd'hui l'Ukraine est un pays indépendant qui entretient des relations parfois houleuses avec la Russie.

Comme les Ukrainiens savent que les vaisseaux Soyouz et Progress sont totalement tributaires du Kours, ils en augmentent sans cesse les prix. Dans le contexte économique extrêmement difficile de la fin des années 1990, cela pose problème à la RKK Energuia qui, en 1996, prend deux décisions :

  1. Le système Kours sera abandonné. Les rendez-vous seront réalisés avec une technique balistique de précision (BPS), et l'approche finale sera faite manuellement via le système TORU, développé et produit sur le territoire national [2][3].

  2. Les boîtiers de commande du Kours seront démontés par les cosmonautes une fois leur amarrage accompli, et ils seront ramenés sur Terre pour être réutilisés [5].

D'autre part, en 1995, les contraintes de masse augmentent sur le vaisseau Soyouz, car son lanceur Soyouz-U2 doit être abandonné au profit du Soyouz-U, dont les performances sont inférieures. Afin de réduire la masse des vaisseaux, la RKK Energuia étudie la possibilité de supprimer le système Kours des vaisseaux Soyouz TM. Toutefois, faute de consensus au sein de l'entreprise, cette décision ne sera pas prise [6].

Toutefois, la masse est sensiblement réduite en remplaçant l'antenne gyrostabilisée AS-VKA par une antenne fixe appelée 1ASF [8], qui est testée à partir de Progress M-33 [7]. En février 1997, Soyouz TM-25 est le premier vaisseau habité équipé de cette modification. Mais son système Kours tombe en panne à seulement 2,5m de distance du PKhO de Mir. L'approche automatique échoue, et TSIBLIEV doit réaliser l'amarrage manuellement.

Fig. 3.1 : L'équipage de Soyouz TM-25 : EWALD, LAZOUTKINE et TSIBLIEV.
Crédit : TASS.

Le 25 juin 1997, un essai grandeur nature du système TORU avec le vaisseau Progress M-34 tourne presque au drame quand le vaisseau entre en collision avec la station. Suite à cet événement, le projet d'abandon du Kours est réexaminé [4].

Le 7 août 1997, le vaisseau Soyouz TM-26 doit tester un nouveau programme du Kours, mais le système fonctionne mal et Anatoli SOLOVIOV doit réaliser l'amarrage en manuel. Le logiciel peut finalement être testé lors du déplacement du vaisseau, le 15 août 1997.

Fig. 3.2 : Mir vue de Soyouz TM-26 lors de l'amarrage du 15 août 1997.
Crédit : AP.

Le 17 mars 1998, le vaisseau Progress M-38 est amarré en manuel avec le système TORU car le système Kours-A est défaillant et entraîne un angle de lacet trop important.

A l'été 1998, des essais commandés par le TsUP montrent que le Kours-P de Mir ne fonctionne plus correctement. L'une des chaînes du Kours-P de Kvant, qui n'avait pas été utilisée depuis de nombreuses années, et remise en service, mais en août 1998, quand Soyouz TM-28 est dans la phase finale de son approche, elle montre des signes de faiblesse et le cosmonaute Guennadi PADALKA réalise l'amarrage manuellement.

Cette mission apporte des instruments de rechange pour le Kours-P qui sont rapidement installées. Quelques jours plus tard, le Kours-P de Kvant fonctionne correctement lors du réamarrage de Progress M-39.

En février 2000, le vaisseau Progress M1-1 teste un nouvel algorithme de commande du système Kours [1]. Auparavant, les vaisseaux s'approchaient de la pièce d'amarrage, s'arrêtaient le temps de s'aligner avec l'axe de la station en utilisant leurs moteurs DPO, et ensuite seulement réalisaient l'amarrage. Avec le nouvel algorithme, l'alignement précis avec l'axe de la station n'est plus nécessaire, et l'approche finale peut être engagée tant que l'angle entre le vaisseau et la station ne dépasse pas un certain seuil. Le nouvel algorithme permet, en outre, de réaliser l'amarrage plus délicatement.

Le dernier équipage à occuper Mir, celui de Soyouz TM-30 en 2000, doit réaliser une approche finale en mode manuel.

4. La Station Spatiale Internationale

Le premier élément de la nouvelle station spatiale internationale est lancé de Baïkonour le 20 novembre 1998, alors que Mir est encore sur orbite. Le segment russe de la station est lui aussi équipé du système Kours pour les vaisseaux Progress et Soyouz.

Une première défaillance intervient le 18 novembre 2000, quand le Kours de Progress M1-4 tombe en panne, forçant Youri GUIDZENKO à réaliser un amarrage manuel à l'aide du système TORU.

En octobre 2006, le vaisseau de ravitaillement Progress M-58 rencontre des difficultés quand l'antenne 2AO-VKA du Kours-A ne se rétracte pas avant l'amarrage, empêchant la jonction de se réaliser correctement. Les cosmonautes TIOURINE et LOPEZ-ALEGRIA doivent réaliser plusieurs sorties dans l'Espace pour régler le problème.

Fig. 4.1 : Le vaisseau Progress M-58 s'approche de Pirs, le 26 octobre 2006.
Crédit : NASA.

En juillet 2009, PADALKA doit utiliser le système TORU pour amarrer le Progress M-67 dont le Kours est tombé en panne.

5. Le nouveau système Kours-NA

En avril 2012, le vaisseau Progress M-15M teste la nouvelle antenne AO-753A du système Kours-NA, qui remplace les antennes 2AO-VKA, AKR1, AKR2 et AKR3. Le Kours-NA, développé par le NII TP, est produit par l'entreprise russe IRZ (son utilisation en série permettra donc de s'affranchir de la dépendance à l'Ukraine).

En novembre 2013, Progress M-21M est lui aussi équipé de la nouvelle antenne, mais cette fois-ci il se repose réellement dessus pour l'amarrage, car les quatre autres antennes ne sont pas présentes. L'approche se passe bien, mais l'amarrage doit être réalisé avec le système TORU.

Fig. 5.1 : Une antenne expérimentale pour une nouvelle version du système Kours.
MAKS-2013. Crédit : Nicolas PILLET.

En avril 2013, l'antenne 2ASF1-M-VKA-03 du Kours-A du vaisseau Progress M-19M ne se déploie pas. Le vaisseau parvient toutefois à s'amarrer sans incident.

L'amarrage de Soyouz MS-14, le 24 août 2019, est un échec suite à un incident sur un amplificateur du système Kours-P du module Poïsk. Les investigations montreront qu'un câble était débranché. De même l'amarrage de Soyouz MS-19 sur le module Rassviett le 5 octobre 2021 doit être réalisé manuellement suite à une défaillance des boîtiers de commande à bord de la station.

Le 18 mars 2022, le vaisseau Soyouz MS-21 est le premier à venir s'amarrer sur le nouveau module Pritchal, mais le système Kours ne fonctionne pas car un câble avait entravé le déploiement de l'antenne 4AO-VKA du module. Le problème sera réglé lors de la sortie dans l'Espace du 28 avril 2022.

Le 3 décembre 2023, un incident sur le Kours du vaisseau Progress MS-25 conduit l'équipage de la station à réaliser l'amarrage en manuel avec le TORU.

Bibliographie

[1] Novosti Kosmonavtiki n°4-2000, p. 14
[2] SEMIONOV, Y., На рубеже двух веков, 1996-2001, p. 581
[3] LANTRATOV, K., “Союз” уходит от “Курса”, Novosti Kosmonavtiki n°19-1996
[4] SEMIONOV, Y., Ibid., p. 583
[5] SEMIONOV, Y., Ibid., p. 551
[6] SEMIONOV, Y., Ibid., p. 552
[7] VLADIMIROV, A., Повторная стыковка “Прогресса М-35”, Novosti Kosmonavtiki n°17-1997
[8] DOSTAL, I., Сближение и стыковка “Союза ТМ-25”, Novosti Kosmonavtiki n°04-1997


Dernière mise à jour : 2 mars 2024