GLONASS | Histoire

1. Introduction

La discipline qu'on appelle la radiolocalisation permet à un utilisateur situé sur la surface terrestre, dans le ciel ou même dans l'Espace de connaître précisément sa position. Deux types de systèmes existent :

  • Les systèmes à trajet ascendant : une balise au sol envoie un signal à un réseau de satellites qui déterminent la position de l'émetteur. L'une des principales applications de ce type de systèmes est la localisation de navires en détresse (système international COSPAS-SARSAT).

  • Les systèmes à trajet descendant : ici, ce sont les satellites qui constituent la partie active. Ils émettent en permanence un ensemble d'informations sur leur propre position, ce qui permet à un récepteur au sol de déduire la sienne.

A la fin des années 1950, les militaires américains ont très vite perçu l'enjeu que pouvaient constituer les systèmes de localisation à trajet descendant. Les troupes au sol, les avions, et même les missiles pourraient en effet en tirer un énorme bénéfice. D'autres applications civiles, comme la géodésie, pourraient également y trouver des avantages succincts. Ainsi, en avril 1960, la Marine américaine lance un premier satellite de type Transit, destiné à guider les missiles balistiques de ses sous-marins.

L'Union soviétique met plus de temps à réaliser l'importance de la radiolocalisation, mais conçoit tout de même un système similaire au Transit américain. Le premier satellite Zaliv (11F617) est lancé en novembre 1967 sous le nom de Cosmos 192. Ensuite, en 1974, les satellites Parouss (11F627) plus performants prennent le relais.

Mais dès 1973, le Ministère de la Défense des Etats-Unis démarre des études sur un programme de nouvelle génération : le GPS (Global Positioning System). Comme son nom l'indique ce nouveau réseau a vocation à s'étendre au monde entier; de plus il vise une précision jamais atteinte avec les satellites Transit. L'URSS, une fois de plus, prend du retard sur les Américains et ne décide d'un programme de seconde génération équivalent au GPS qu'en 1976. Ce programme reçoit le nom de GLONASS (Глобальная навигационная спутниковая Система).

2. Principe de fonctionnement

Avant d'aller plus loin dans la description des satellites qui constituent le réseau, il est indispensable de bien comprendre son principe de fonctionnement.

Imaginons un utilisateur fixe et supposons que son emplacement lui permette d'être en vue de trois satellites simultanément. A intervalles de temps réguliers, chacun de ces satellites émet un signal sur une fréquence qui lui est propre. Ce signal contient un code qui indique l'heure précise à laquelle l'émission a eu lieu. Quand le récepteur reçoit les signaux des satellites, il les analyse et détermine le retard (noté r), c'est à dire la durée qui s'est écoulée entre le moment où le signal a été émis et celui où il est reçu.

Sachant qu'une onde électromagnétique se déplace à la vitesse de la lumière, notée c (dans le vide, c = 300000km/s), le récepteur est capable de calculer la distance d à laquelle il se trouve de chacun des satellites :

d = c x r

Ainsi, le recoupement des positions des trois satellites permet au récepteur de définir trois coordonnées d'espace, et ainsi de préciser sa position exacte. Cela dit, le problème de la mesure du temps se pose très vite, car elle doit être d'une précision extrême. Deux solutions sont apportées.

D'une part, les satellites sont équipés d'horloges atomiques; d'autre part, le récepteur analyse les signaux de non pas trois, mais quatre satellites. Le quatrième sert justement à évaluer l'erreur de son horloge interne, et un petit sous-système correcteur se charge de l'annuler.

3. Les premiers satellites

Nous sommes donc en 1976, et la création du réseau GLONASS vient d'être décidée et entérinée le 16 décembre par le décret n°1043-361 du Conseil des Ministres et du Comité central du Parti communiste. Les satellites qui le composeront reçoivent le nom GLONASS et leur réalisation est confiée au KB PM de Zheleznogorsk, qui a déjà conçu et construit les Zaliv, Parouss et Tsikada. En 1977, le KB PM devient l'Association de Recherche et de Production en Mécanique Appliquée : la NPO PM. La production en série des satellites sera confiée au PO Poliot d'Omsk.

4. Déploiement des satellites

Au début des années 1980 est définie la "Phase I" du programme. Elle va consister à placer douze satellites en orbite, disposés sur deux plans (six sur l'un, et six sur l'autre).

Le 12 octobre 1982, un lanceur Proton-K emporte le premier satellite GLONASS, Cosmos 1413, qui commence à émettre trois jours plus tard. Les ingénieurs de la NPO PM étudient son comportement pendant plusieurs mois. En août 1983, deux nouveaux GLONASS sont mis en orbite. D'autres tirs doubles ont lieu en décembre 1983, en mai 1984, en septembre 1984 et en mai 1985. Lors de ce dernier, l'un des deux satellites est le premier exemplaire d'une version améliorée (parfois appelée Bloc IIa) ayant une durée de vie légèrement plus longue et une fréquence d'émission plus stable. A partir de cette date, tous les GLONASS lancés seront des Bloc IIa.

Mais en fait, seuls deux nouveaux tirs ont lieu (en décembre 1985 et septembre 1986) avant que n'apparaisse une version encore plus performante. Le GLONASS "Bloc IIb" a une durée de vie de deux ans (deux fois plus que la version de base Bloc I). Quatre lancements sont entrepris entre avril 1987 et mai 1988, mais deux d'entre eux sont des échecs. A ce jour, ce sont les deux seuls qu'a connu le programme GLONASS. Il faut noter que depuis septembre 1986, tous les tirs emmènent des triplets de satellites.

En septembre 1988, un nouveau lancement permet de mettre sur orbite les trois premiers exemplaires de l'ultime version des GLONASS (Bloc IIv), dont la durée de vie a été portée à trois années. Les tirs s'enchaînent alors à un rythme de plus en plus soutenu, car ils doivent non seulement occuper de nouvelles positions orbitales, mais aussi remplacer les satellites en fin de vie. En 1991, l'Union soviétique s'écroule. Le GLONASS devient la propriété de la Fédération de Russie. Le vol du mois d'avril 1991 marque l'accomplissement de la Phase I. A cette date, en effet, la constellation est constituée de quatorze satellites (sept sur un plan, et sept sur un autre; les objectifs de la Phase I ont été revus à la hausse).

La Phase II, dont l'objectif est de compléter la constellation (8 satellites sur chacun des trois plans), est alors lancée. Elle devrait être achevée en 1995, année où le système GLONASS pourra entrer en service opérationnel. A ce stade, il faut remarquer que les Soviétiques rattrapent leur retard sur les Américains. Ces derniers ont en effet lancé leur premier satellite GPS en juillet 1974, et ils prévoient de ne pouvoir commencer à utiliser le système avant au minimum 1990 (capacité partielle seulement).

En URSS, les lancements reprennent en janvier 1992. Ensuite, entre cette date et le mois de septembre 1993, neuf satellites sont lancés, et huit arrivent en fin de vie; la constellation compte donc 15 satellites opérationnels. Le 24 septembre 1993, le Président Boris ELTSINE signe le décret n°658 RPS qui place le système GLONASS sous l'autorité des Forces Spatiales. Le Président ordonne également de rendre GLONASS opérationnel d'ici 1995. Ainsi, la cadence des lancements s'accélère. Trois ont lieu en 1994, et trois autres en 1995.

En janvier 1994, les responsables militaires du programme proposent de l'étendre au monde civil, où ses applications sont quasi illimitées. Mais l'industrie électronique russe se déclare incapable de construire des récepteurs en grande quantité. L'idée est donc abandonnée.

Le 7 mars 1995, le décret n°237 du Président ELTSINE déclare le système opérationnel.

Cependant, la constellation ne comporte à ce moment là que 19 satellites. Il faudra encore deux lancements pour parvenir à une constellation de 24 appareils. Finalement, c'est en décembre 1995 que cet objectif est atteint. Ces derniers satellites sont aptes à fonctionner dès le mois de janvier 1996, et c'est donc à cette date que le GLONASS devient réellement opérationnel. Le système américain GPS a devancé le GLONASS, mais de très peu.

5. Succès éphémère

Depuis la chute de l'Union soviétique, les budgets subissent de multiples réductions, et celui du système GLONASS n'y échappe pas. Certes, les objectifs ont été tenus, mais les Forces Spatiales sont totalement incapables de les maintenir. Le lancement du 14 décembre 1995 avait permit à la constellation d'être au complet, mais après cela le remplacement des satellites n'est plus assuré.

Dès le milieu de l'année 1996, GLONASS n'est plus opérationnel. Il repassera même en dessous du seuil des 18 satellites qui permet d'assurer un service minimum. Le prochain lancement n'intervient que le 30 décembre 1998. A ce moment, il ne reste que 16 satellites en fonctionnement. C'est à cette époque que le gouvernement russe décide de partager la responsabilité du programme entre l'Agence Spatiale civile (RKA) et les militaires. En octobre 2000, il n'y a plus que six satellites opérationnels !

Devant l'urgence de la situation, les plus hautes autorités militaires et politiques sont forcées de réagir. Le 2 août 2001, le Gouvernement de la Fédération de Russie publie l'arrêté n°587 intitulé "Programme Fédéral d'Objectif pour le Système de Navigation Mondiale 2001-2011". Ce document lance le démarrage de deux nouvelles générations d'engins. En effet, le commandement des Forces Spatiales a compris qu'il serait impossible de maintenir en orbite de façon permanente une constellation de 24 satellites si chacun d'eux devait être remplacé tous les trois ans. L'arrêté n°587 demande donc la mise au point à court terme des GLONASS-M, à durée de vie largement augmentée, et à moyen terme des GLONASS-K, plus légers et à durée de vie encore augmentée.

D'autre part, l'arrêté d'août 2001 définit les budgets alloués au programme GLONASS au cours de la prochaine décennie.

Tableau 2: Budgets alloués au programme GLONASS par l'arrêté n°587

Période

Somme
(en millions de Roubles)

2002

2279,25

2003

2384,82

2004-2006

8374,11

2007-2011

10586,53

Total

23624,71

6. Vers la reprise

La NPO PM avait depuis plusieurs années anticipé la demande gouvernementale de satellites à durée de vie augmentée, et avait ainsi entrepris de démarrer leur mise au point. Ainsi, dès le mois de décembre 2001, quatre mois après la publication de l'arrêté n°587, un engin amélioré, baptisé Cosmos 2382, est mis en orbite (il ne s'agit pas encore d'un GLONASS-M, mais d'un GLONASS 11F654 modifié). On notera qu'à partir de l'an 2000, la Russie a pris l'habitude de lancer un triplet de satellites par an. Le tir de 2002 emporte trois GLONASS de première génération, et celui de 2003 permet de placer sur orbite le premier GLONASS-M : Cosmos 2404.

Fig. 6.1 : Schéma d'un satellite GLONASS-M.
Crédit : Roscosmos.

En novembre 2003, une nouvelle étape du programme GLONASS est franchie : celle de la coopération. Une déclaration d'intention est signée entre l'Agence Spatiale Russe (Rosaviacosmos) et l'Organisation Indienne pour la Recherche Spatiale (ISRO) pour étudier la possibilité de mettre en orbite certains satellites de prochaine génération (GLONASS-K) au moyen de lanceurs indiens. Il faut dire que l'Inde s'était déjà dite intéressée par GLONASS en novembre 2000. En décembre 2004, à l'occasion du salon SAKS-2004, on apprend que ces lancements seraient gratuits : la Russie ne paierait que le transport des satellites en Inde et leur préparation au tir. Les Indiens auraient en échange le droit d'utiliser le système GLONASS, y compris à des fins militaires.

Quelques semaines après cette annonce, un nouveau lancement a lieu : il permet de placer sur orbite deux GLONASS 11F654 et un GLONASS-M.

Au cours de l'année 2005, il semble que les plus hautes autorités russes aient porté un grand intérêt au programme. Ainsi, le 15 novembre 2005, le général Anatoli PERMINOV, directeur de l'Agence Spatiale Fédérale (Roscosmos) est convoqué au Kremlin par le Président Vladimir POUTINE. Les conversations portent précisément sur GLONASS. PERMINOV explique au Président toute l'importance que revêt le programme pour la nation russe, tant sur les plans économique que militaire.

Le 25 décembre 2005, un lanceur Proton-K place sur orbite deux nouveaux GLONASS-M, ainsi que le dernier GLONASS 11F654. La constellation compte désormais 17 satellites. Le lendemain du tir, le Président POUTINE annonce ses plans : GLONASS devra compter 18 satellites opérationnels en 2007, et il devra être parfaitement complété (24 satellites) en 2008. De plus, les applications civiles devront être développées. On peut légitimement penser que ces annonces sont en partie motivées par le fait que l'Europe a lancé quelques semaines auparavant son premier satellite de navigation (réseau GALILEO).

A la mi-mars 2006, le Premier Ministre Mikhaïl FRADKOV est en visite officielle en Inde, et en profite pour signer deux accords concernant les satellites GLONASS-K et leurs lancements par des fusées indiennes. Le 21 mars, PERMINOV et le Ministre de la Défense Sergueï IVANOV se rendent à Zheleznogorsk. On apprend à cette occasion que Roscosmos prévoit toujours de disposer de 18 satellites opérationnels en 2007, ce qui permettra d'avoir une couverture sur tout le territoire russe. En 2009, la constellation sera complète et le GLONASS pourra s'étendre au monde entier, et ainsi concurrencer réellement les systèmes GALILEO et GPS. D'autant plus qu'à la fin 2006, il est prévu de donner libre accès aux civils à la bande de précision supérieure.

7. L'avenir

Comme il a déjà été dit plus haut, l'arrêté n°587 d'août 2001 a prévu la mise en service d'une troisième génération de satellites GLONASS : les GLONASS-K. Ceux-ci seront nettement plus légers que leurs prédécesseurs (745kg au décollage) et auront une durée de vie de dix ans.

En 2002, la NPO PM a également démarré les études d'une quatrième génération de satellites : les GLONASS-KM. Leur mise en service est prévue pour 2015.


Dernière mise à jour : 12 octobre 2004