Elektro-L | Histoire

1. Le long chemin vers un satellite météo géostationnaire

La météorologie spatiale nécessite deux types de satellites. Les premiers dits à défilement sont généralement placés sur des orbites héliosynchrones, de façon à pouvoir observer la quasi-totalité du globe dans des conditions constantes d'éclairement. Les seconds, en revanche, sont placés sur l'orbite géostationnaire de façon à pouvoir observer la planète entière sous un angle donné de façon permanente.

Les Américains ont été les premiers à s'intéresser à la météorologie spatiale et ont lancé leur premier satellite à défilement TIROS dès le 1er avril 1960. Du côté soviétique, le MOM n'a commencé à déployer ses satellites Meteor (11F614), développés et produits par le VNIIEM, qu'en 1964.

Fig. 1.1 : Un satellite de première génération Meteor.
Musée de l'Air et de l'Espace du Bourget. Crédit : Nicolas PILLET.

De même pour les satellites géostationnaires, la NASA dégaine en premier et met sur orbite son satellite expérimental ATS-1 le 7 décembre 1966. Il démontre les bénéfices de cette orbite et donnera naissance à la gamme des satellites SMS et GOES, qui seront opérationnels à partir de 1974.

En Union soviétique, la Commission Militaro-industrielle (VPK) avait pourtant publié une décision dès le 4 juin 1970 demandant au MOM de développer un satellite météorologique géostationnaire, mais elle n'a pas été appliquée [1].

Elle a été renouvelée le 16 décembre 1972 quand la VPK a demandé au MOM de créer un système intégré appelé Planeta-S constitué d'une nouvelle génération de satellites à défilement, les Meteor-3 (17F45), d'une part, et de satellites géostationnaires appelés Energuia, ou Elektro, d'autre part [1]. A peine un mois plus tard, en janvier 1973, l'Union soviétique annonce publiquement son ambition et adhère au Comité pour la Coordination des Satellites Météorologiques Géostationnaires (CGMS) [2].

Le Japon et l'Europe lancent leurs premiers satellites météorologiques géostationnaires, Himawari-1 et Meteosat-1, respectivement les 14 juillet et 23 novembre 1977. Du côté soviétique, rien ne se passe. La décision de 1972, comme celle de 1970, n'est toujours pas appliquée et le VNIIEM ne commence le développement du projet Elektro qu'en 1977 [3][4].

Fig. 1.2 : Le lanceur Delta 2914 avec le satellite Meteosat-1.
Crédit : ESA.

En 1988, le Ministère de la Défense se retire du projet, qui cesse donc de facto d'exister. L'Union soviétique est dissoute trois ans plus tard, et le MOM laisse la place à l'Agence Spatiale Russe, ou RKA, qui reprend le flambeau du programme Elektro presque immédiatement après sa création, en 1992 [4]. Le satellite est finalement lancé le 31 octobre 1994, mais il cesse de fonctionner en 1998 suite à un problème sur son ordinateur de bord.

Fig. 1.3 : Le satellite Elektro en construction au VNIIEM.
Crédit : TASS.

2. La nouvelle génération

En 2001, la RKA lance un appel d'offres pour une nouvelle génération de satellites météorologiques géostationnaires, et c'est la proposition de NPO Lavotchkine, baptisée Elektro-L (L pour Lavotchkine), qui est retenue. Vladimir BABYCHKINE est nommé constructeur principal du projet [4].

En octobre 2003, Konstantin PITCHKHADZE remplace Stanislav KOULIKOV à la tête de NPO Lavotchkine. L'une de ses premières décisions est de créer une plate-forme appelée Navigator qui sera commune à plusieurs projets : les observatoires spatiaux Spektr et les satellites météo Elektro-L [6].

Fig. 2.1 : Maquette du satellite Elektro-L présentée au Salon du Bourget 2009.
Crédit : Nicolas PILLET.

La mise sur orbite est prévue sur un lanceur Zenit-2SB en 2006 et, en 2004, NPO Lavotchkine prépare un modèle d'essai [5]. L'un des objectifs forts de cette nouvelle génération de satellites est d'augmenter considérablement la durée de vie afin d'atteindre les standards occidentaux (dix années) [7].

3. Le déploiement d'Elektro-L

Le financement du programme Elektro-L n'est toutefois fourni de façon adéquate par la RKA, qui est devenue Roscosmos, qu'à partir de 2005 [4]. L'objectif d'un premier lancement en 2006 n'est donc évidemment pas tenu, et le premier satellite est lancé le 20 janvier 2011.

Fig. 3.1 : Le satellite Elektro-L n°1 en préparation à Baïkonour.
Crédit : Roscosmos.

Il rencontre des problèmes avec son système d'actionneurs gyroscopiques Koler-E peu de temps après sa mise sur orbite, mais il peut quand même être exploité normalement à la position 76°E. Il est transféré à la position 14,5°O début 2016, mais il cesse de fonctionner en novembre 2016 suite à une nouvelle panne de son système d'orientation.

Elektro-L n°2 avait été lancé avec succès le 11 décembre 2015, et il avait été positionné à 76°E à la place de son prédécesseur. En août 2020, il est transféré à 14,5°O. Sur ce satellite, ainsi que sur les suivants, le capteur stellaire russe AD-1, fourni par l'entreprise moscovite MOKB Mars, est remplacé par un équivalent français fourni par SODERN.

Fig. 3.2 : Lancement du satellite Elektro-L n°2, le 11 décembre 2015.
Crédit : Roscosmos.

Elektro-L n°3 a été lancé le 24 décembre 2019 et a été positionné provisoirement à 165,8°E pour ses essais. La mise sur orbite a été réalisée par un lanceur Proton-M car Roscosmos a renoncé à l'utilisation de Zenit-2SB en 2015 suite au conflit contre l'Ukraine qui a débuté en 2014. Le satellite a été transféré à 76°E en juin 2020.

Fig. 3.3 : Lancement du satellite Elektro-L n°3, le 24 décembre 2019.
Crédit : Roscosmos.

Conformément à la décision n°KhM-146-r du 27 juin 2016, Elektro-L n°3 emporte un complexe GGAK réduit à seulement quatre instruments au lieu de sept. Les instruments SKL-E, FM-E et ISP-2M ont en effet été supprimés [8].

Le quatrième satellite décolle le 5 février 2023. Un cinquième exemplaire est prévu pour la fin 2023.

Bibliographie

[1] FAVORSKI, V., Военно-Космические Силы, tome 1, p. 217
[2] Consolidated Report of CGMS Activities, 8th edition, April 1989
[3] HENDRICKX, B., A History of Soviet/Russian Meteorological Satellites, JBIS, Vol. 57
[4] KRASNIANSKI, A., "Электро-Л" №2: наш новый метеоролог, NK n°02-2016
[5] KOPIK, A., Большие планы НПО им. С.А. Лавочкина, NK n°10-2004
[6] Messages de V. MOLODTSOV (NPO Lavotchkine) sur le forum du journal Novosti Kosmonavtiki
[7] KOUTCHEÏKO, A., Россия строит новый геостационарный метеоспутник, NK n°11-2004
[8] BOGODIAZH, S., Применение наноспутников для мониторинга космической погоды


Dernière mise à jour : 5 février 2023