Saliout-6 EP-2 | Chronologie

1. Lancement du vaisseau Soyouz-28

Le 95ème lanceur Soyouz-U (11A511U n°Д15000-132) décolle du pas de tir n°5 (17P32-5) de la zone n°1 du cosmodrome de Baïkonour le 2 mars 1978 à 15h28'10" GMT.

La charge utile est constituée du vaisseau spatial Soyouz-28 (11F615A8 n°45), occupé par les cosmonautes Alekseï GOUBAREV et Vladimír REMEK. Il s'agit du premier équipage international de l'Histoire.

Fig. 1.1 : Décollage de Soyouz-28 le 2 mars 1978.
Crédit : TASS.

Le vaisseau est placé avec succès sur une orbite basse (198km x 276km x 51,6°) [2]. Comme le vaisseau Soyouz-27 est déjà amarré à l'avant de Saliout-6 et obstrue l'une des antennes du système de rendez-vous automatique Igla, Soyouz-28 doit amorcer son approche avec une précision plus élevée qu'habituellement. Il faut en effet assurer qu'il arrive dans la zone de visibilité des antennes non obstruées en tenant compte des marges d'erreur des corrections d'orbite [1].

Le plan de vol initial prévoyait de réaliser deux corrections lors des orbites 4 et 5, et deux autres lors des orbites 16 et 17. Afin d'améliorer la précision, une correction supplémentaire sera réalisée à l'issue des deux premières, lors des orbites 11 à 13, afin de compenser leurs éventuelles imprécisions.

Fig. 1.2 : REMEK et GOUBAREV à bord du vaisseau Soyouz-28, le 2 mars 1978.
Crédit : INA.

Mais un autre problème se pose. Afin de pouvoir calculer les paramètres de la correction supplémentaire, encore faut-il connaître l'imprécision induite par les deux premières. Il faut pour cela que les stations de poursuite mesurent l'orbite du vaisseau avec précision, ce qui ne sera pas possible puisque, à l'issue des deux premières corrections, Soyouz-28 entrera dans une zone d'invisibilité qui durera jusqu'à l'orbite 11. Les navires de poursuite pourraient réaliser les mesures d'orbite, mais ils ne sont pas assez précis [1].

Le TsUP décide donc de réaliser le rendez-vous selon une séquence raccourcie, et de réaliser les deux premières corrections lors de l'orbite n°4, ce qui permettra de garder les orbites 5 et 6 pour effectuer les mesures et calculer les paramètres des corrections suivantes [1].

Date Heure
(GMT)
Orbite dV
(m/s)
Paramètres post-allumage
2 mars 1978 20h16'49" 4 1,28 198km x 272km x 51,6449°
2 mars 1978 20h49'52" 4 31,58 268km x 307km x 51,6444°
Tableau 1.1 : corrections réalisées par Soyouz-28 lors de l'orbite n°4 ([1]).

Les corrections sont menées à bien avec une grande précision, et les mesures réalisées lors des orbites 5 et 6 montrent que la correction supplémentaire n'est finalement pas nécessaire. Le TsUP revient donc sur le plan de vol initial et demande la réalisation des deux dernières corrections lors des orbites 16 et 17 [1].

Date Heure
(GMT)
Orbite dV
(m/s)
Paramètres post-allumage
3 mars 1978 15h03'02" 16 2,78 267km x 300km x 51,6415°
3 mars 1978 16h05'05" 17 21,60 272km x 356km x 51,6487°
Tableau 1.2 : corrections réalisées par Soyouz-28 lors des orbites 16 et 17 ([1]).

Le vaisseau Soyouz-28 s'amarre sans incident à l'arrière de Saliout-6 le 3 mars 1978 à 17h09'30" GMT, lors de l'orbite 18, à l'aide du système SSVP. Les écoutilles sont ouvertes à 20h10 GMT [2], et GOUBAREV et REMEK retrouvent l'équipage de la première expédition principale (EO-1), constitué de Youri ROMANENKO et Gueorgui GRETCHKO.

Fig. 1.3 : REMEK, GOUBAREV, GRETCHKO et ROMANENKO réunis à bord de Saliout-6.
Crédit : TASS.

L'équipage de visite est accueilli traditionnellement avec du pain et du sel, et les cosmonautes nouvellement arrivés remettent à leurs hôtes des lettres de leurs familles. Vingt minutes seulement après l'ouverture des écoutilles, REMEK démarre l'expérience biologique Khlorella-A, qui consiste à étudier la croissance en apesanteur de la chlorella, une algue verte unicellulaire. Les échantillons sont placés dans les boîtiers IFS-2 présents sur Saliout-6, et les observations vont durer pendant presque toute la mission [2].

2. La semaine sur Saliout-6

Les cosmonautes terminent leur première journée sur Saliout-6 le 3 mars 1978 à 24h00 GMT, et sont réveillés le lendemain à 07h30 GMT. GOUBAREV enfile le pantalon Tchibis à 10h30 GMT pour des observations médicales, et il est imité à 13h30 GMT par REMEK. Les données médicales sont recueillies avec les instruments Polinom-2M, Reograf-2 et Beta-3 [2].

Fig. 2.1 : GOUBAREV avec le pantalon Tchibis.
Crédit : TASS.

Toujours le 4 mars 1978, GOUBAREV et REMEK préparent l'expérience de sciences des matériaux Morava, qui vise à étudier le comportement de certains métaux. L'expérience est réalisée dans l'instrument soviétique Splav-01 qui a été amené à bord par le vaisseau Progress-1. Afin de ne pas perturber le processus de cristallisation, l'équipage place la station en régime de stabilisation par gradient de gravité, c'est-à-dire avec son axe longitudinal orienté vers le centre de la Terre [2].

A 16h40 GMT, GOUBAREV et REMEK réalisent l'expérience Opross, qui consiste à remplir un questionnaire médical et psychologique. Leur journée de travail s'achève à 20h40 GMT [2].

Le 5 mars 1978, de 07h20 GMT à 09h10 GMT, les deux cosmonautes lancent l'expérience Kislorod qui consiste à étudier l'oxygénation des tissus en microgravité. Deux conférences de presse sont également réalisées à 11h40 GMT et à 13h05 GMT. Vladimir REMEK présente aux journalistes tchécoslovaques les différents symboles nationaux qu'il a amenés à bord (des médailles commémoratives de Klement GOTTWALD, Zdeněk NEJEDLÝ, Julius FUČÍK et Sergueï KOROLIOV, une capsule avec de la terre prélevée sur le col de Doukla et près du monument Kurgan Bessmertiya de Briansk). La journée se termine à 20h00 GMT [2].

Fig. 2.2 : GOUBAREV et REMEK à bord de Saliout-6.
Crédit : TASS.

GOUBAREV et REMEK commencent leur journée du 6 mars 1978 à 05h00 GMT en se consacrant à l'expérience Ekstinktsia, qui consiste à observer la disparition de la Lune derrière l'atmosphère terrestre afin d'étudier les caractéristiques de cette dernière. L'expérience se termine à 15h45 GMT, et les cosmonautes réalisent ensuite des observations de la surface de la Terre, puis ils arrêtent l'expérience Morava qui est arrivée à son terme, et la journée se termine à 20h00 GMT [2].

Le 7 mars 1978, GOUBAREV et REMEK s'attellent dès leur réveil à charger le vaisseau Soyouz-28 avec le matériel qui sera ramené sur Terre, avec l'aide de ROMANENKO et GRETCHKO. Ils réalisent ensuite de nouvelles observations de la Terre et tournent un petit reportage vidéo à l'occasion de la journée des Femmes, qui sera célébrée le lendemain. La seconde partie de la journée est consacrée à l'expérience Teploobmen-2, qui étudie les échanges thermiques à bord de la station, en l'absence de convection [2].

Le 8 mars 1978 est une journée de repos pour l'équipage. Le lendemain, 9 mars 1978, GOUBAREV et REMEK terminent le chargement de Soyouz-28 et estampillent des enveloppes commémoratives. Ils réalisent ensuite un essai d'allumage des moteurs du vaisseau [2].

3. Atterrissage du vaisseau Soyouz-28

GOUBAREV et REMEK embarquent à bord de Soyouz-28 le 10 mars 1978. Le vaisseau se sépare de Saliout-6 à 10h23'30" GMT, et son moteur SKD est mis en service à 12h54'34" GMT (dt=194,4", dV=120,0m/s) afin d'amorcer la rentrée dans l'atmosphère [3].

Les trois compartiments du vaisseau se séparent à 13h16'06" GMT, et le Compartiment de Descente (SA) atterrit à 13h44'10" GMT à 310km au nord de Tselinograd (51,5°N, 66,7°E) [3][4].

Fig. 3.1 : GOUBAREV et REMEK sur le site d'atterrissage.
Crédit : TASS.

Les deux cosmonautes sont ensuite rapatriés à Baïkonour. Quelques jours après leur retour, REMEK plante un arbre devant l'hôtel Kosmonavt. L'équipage EO-1 atterrit à bord de Soyouz-27 le 16 mars 1978, et les quatre cosmonautes retourneront ensemble à Moscou.

Le vol de Soyouz-28 a duré 7 jours 22 heures et 16 minutes. Son Compartiment de Descente est aujourd'hui exposé au Musée de l'Aviation de Prague.

Bibliographie

[1] PETROV, B., Навигационное обеспечение полета орбитального комплекса "Салют-6" - "Союз" - "Прогресс", Moscou, 1985, pp. 236-237
[2] ELISSEÏEV, A., Космическое содружество, Moscou, 1987, pp. 36-50
[3] PETROV, ibid., p. 280
[4] AFANASSIEV, I., et al., Возвращение из космоса, Moscou, 2012


Dernière mise à jour : 14 mars 2018