SSVP | Le premier système d'amarrage

1. Généralités

Le premier système d'amarrage soviétique a volé à quinze reprises sur les vaisseaux Soyouz de première génération 7K-OK (11F615). Il a permis de réaliser le premier amarrage entre deux vaisseaux automatiques (Cosmos 186 et Cosmos 188), ainsi que le premier amarrage entre deux vaisseaux habités (Soyouz-4 et Soyouz-5). Le développement de ce système a été réalisé au département n°333 de l'OKB-1 sous la direction de Vladimir SYROMIATNIKOV.

Fig. 1 : Reproduction d'un 7K-OK avec son système d'amarrage.
National Space Center de Leicester. Crédit : Nicolas PILLET.

Le système est constitué de deux parties : l'une active et l'autre passive. La partie active, montée sur le premier vaisseau Soyouz, comporte une tige métallique qui vient s'insérer dans le cône de la partie passive, montée quant à elle sur un second Soyouz.

Fig. 2 : Schéma du système d'amarrage du Soyouz 7K-OK.
La partie active (à gauche) vient s'insérer dans la partie passive.
1. Tige-guide, 2. Encoche, 3. Rainure, 4. Connecteur électrique, 5. Cône, 6. Mécanisme d'amarrage, 7. Encoche pour la tige-guide, 8. Tête de la tige, 9. Amortisseur, 10. Levier d'alignement, 11. Tige
Crédit : Космонавтика Энциклопедия.

Dans les deux cas, le système d'amarrage est situé à l'avant du vaisseau, sur le Compartiment de Vie (BO). La tige est amenée dans le cône soit de manière automatique, à l'aide du système de rendez-vous Igla, soit de manière manuelle par le commandant de bord. Ce premier système ne permet que de relier mécaniquement deux vaisseaux Soyouz entre eux, et ne permet pas à l'équipage de passer d'un vaisseau à l'autre.

La tige de la partie active est déployable. Au fond du cône de la partie passive, elle vient s'insérer dans une fiche qui permet de la maintenir en position.

Fig. 3 : Schéma du mécanisme d'amarrage.
Crédit : Vladimir SYROMIATNIKOV.

Le système de rendez-vous automatique Igla se charge d'amener les deux vaisseaux Soyouz (actif et passif) en vis-à-vis. En théorie, l'alignement des vaisseaux est parfait, et les deux parties du système d'amarrage peuvent se verrouiller.

Dans la pratique, il y a toujours une incertitude dans l'alignement des vaisseaux. Les variations de positions linéaire et angulaire, ainsi que les six composantes de la vitesse relative, sont appelées les « conditions initiales ». Le système d'amarrage est donc conçu de manière à pouvoir fonctionner tant que ces conditions initiales restent dans une certaine plage de valeurs.

2. Principaux éléments

Lors du contact entre les deux vaisseaux, il est très important d'amortir le choc. Deux systèmes permettent de réaliser cette fonction : le frein électromagnétique et la vis à billes.

2.1. La vis à billes

La vis à billes ChVP (Шарико-Винтовой Преобразователи) est certainement l'élément clé du système d'amarrage. C'est elle qui constitue la tige de la partie active : elle permet de transformer un mouvement de rotation en un mouvement de translation, et vice versa. Une vis à bille est semblable à une vis classique, à ceci près que des billes sont intercalées entre la vis et l'écrou, ce qui permet une meilleure réversibilité du mouvement [13].

Fig. 4 : La vis à billes.
Crédit : Vladimir SYROMIATNIKOV.

La vis à billes sert à deux moments d'une mission Soyouz :

- pour déployer la tige : un moteur électrique donne un mouvement de rotation, qui est converti en translation de la tige,
- pour atténuer le choc de l'amarrage : le choc donne un mouvement de translation, qui est converti en rotation de la tige.

2.2. Le frein électromagnétique

Il participe également à l'amortissement lors du contact entre le vaisseau actif et le vaisseau passif. A l'origine, l'EMT (Электромагнитный Тормоз) était constitué d'un moteur à aimants permanents avec un rotor en court-circuit.

Fig. 5 : Le frein électromagnétique.
Crédit : Vladimir SYROMIATNIKOV.

Mais à un stade inconnu du développement, c'est un rotor invisible qui a été préféré, de manière à réduire le temps de réponse du frein. L'EMT fourni un amortissement proportionnel à sa vitesse de rotation.

3. Historique

Le tableau 1 donne la liste des quinze vaisseaux Soyouz 7K-OK (11F615) qui ont été équipés de ce système d'amarrage de première génération.

Fig. 6 : Schéma de l'amarrage entre deux Soyouz 7K-OK.
Crédit : Capcomespace.

En tout, outre les tentatives avortées dues à des échecs lanceur ou à des dysfonctionnements du vaisseau, trois amarrages ont été réussis, et un seul a échoué. Il s'agit de la rencontre entre Soyouz-2 et Soyouz-3, lors de laquelle le cosmonaute Gueorgui BEREGOVOÏ a présenté son vaisseau dans le mauvais sens, rendant l'amarrage impossible.

Actif/
Passif
Vaisseau Lancement Vaisseau
cible
Commentaire
A Cosmos 133
11F615 n°2
28 novembre 1966 11F615 n°1 Le lancement du 11F615 n°1
est annulé suite aux problèmes de Cosmos 133
P 11F615 n°1 14 décembre 1966 - Vol d'essai en solitaire - échec au lancement
P Cosmos 140
11F615 n°3
7 février 1967 - Vol d'essai en solitaire
A Soyouz-1
11F615 n°4
23 avril 1967 11F615 n°5 Le lancement du 11F615 n°5
est annulé suite aux problèmes de Soyouz-1
A Cosmos 186
11F615 n°6
27 octobre 1967 Cosmos 188 Amarrage réussi (rétractation partielle)
P Cosmos 188
11F615 n°5
30 octobre 1967 Cosmos 186 Amarrage réussi (rétractation partielle)
A Cosmos 212
11F615 n°8
14 avril 1968 Cosmos 213 Amarrage réussi
P Cosmos 213
11F615 n°7
15 avril 1968 Cosmos 212 Amarrage réussi
P Cosmos 238
11F615 n°9
28 août 1968 - Vol d'essai en solitaire
P Soyouz-2
11F615 n°11
25 octobre 1968 Soyouz-3 Rendez-vous réussi mais échec de l'amarrage
A Soyouz-3
11F615 n°10
26 octobre 1968 Soyouz-2 Rendez-vous réussi mais échec de l'amarrage
A Soyouz-4
11F615 n°12
14 janvier 1969 Soyouz-5 Amarrage réussi
P Soyouz-5
11F615 n°13
15 janvier 1969 Soyouz-4 Amarrage réussi
P Soyouz-7
11F615 n°15
12 octobre 1969 Soyouz-8 Echec du rendez-vous
A Soyouz-8
11F615 n°16
13 octobre 1969 Soyouz-7 Echec du rendez-vous
Tableau 1 : Liste des vols Soyouz (11F615) ayant utilisé
un système d'amarrage de première génération.

4. Photos

Fig. 8 : Un système d'amarrage de première génération.
MGTU Baoumann, filiale d'Orevo. Crédit : Igor MARININE/Novosti Kosmonavtiki.



Fig. 9 : Détails d'un système d'amarrage de première génération.
Musée Tsiolkovski d'Izhevskoïe. Crédit : Nicolas PILLET.


Dernière mise à jour : 21 août 2016