Mir EO-3 | Chronologie

1. Lancement du vaisseau Soyouz TM-4

Le 22ème lanceur Soyouz-U2 (11A511U-2 n°И15000-020) décolle du pas de tir n°5 (17P32-5) de la zone n°1 du cosmodrome de Baïkonour le 21 décembre 1987 à 11h18'03,142" GMT.

La charge utile est constituée du vaisseau spatial Soyouz TM-4 (11F732A51 n°54), qui est placé avec succès sur une orbite basse (260km x 298km x 51,6°). Son équipage est constitué du commandant Vladimir TITOV, de l'ingénieur de bord Moussa MANAROV et du cosmonaute-expérimentateur Anatoli LEVTCHENKO.

Fig. 1.1 : Décollage de Soyouz TM-4, 21 décembre 1987.
Crédit : TASS.

Soyouz TM-4 s'amarre sur le module Kvant le 23 décembre 1987 à 12h50'49" GMT. Quelques instants après, les cosmonautes sont accueillis par l'équipage EO-2, constitué de Youri ROMANENKO et Aleksandr ALEKSANDROV. Les cosmonautes installent notamment dans le module Kvant l'expérience azerbaïdjanaise Aïnour destinée à étudier la croissance des protéines.

Le 29 décembre 1987, à 05h58'00" GMT, ROMANENKO, ALEKSANDROV et LEVTCHENKO quittent Mir à bord du vaisseau Soyouz TM-3, qui était amarré sur le PKhO, et reviennent sur Terre sans incident. C'est la première fois dans l'Histoire qu'un équipage de station orbitale est relevé de la sorte.

2. Déplacement de Soyouz TM-4 et arrivée de Progress-34

Le 30 décembre 1987, à 09h09'40" GMT, soit à peine plus de vingt-quatre heures après le départ de EO-2, TITOV et MANAROV séparent le vaisseau Soyouz TM-4 du module Kvant. Ils s'amarrent sur le PKhO, tout juste libéré par Soyouz TM-3, à 09h28'46" GMT.

Le 20 janvier 1988, le vaisseau de ravitaillement Progress-34 est lancé de Baïkonour. Il s'amarre sur le module Kvant le 23 janvier 1988, après que l'une de ses antenne ait connu un problème lors de son déploiement.

3. La première sortie dans l'Espace

La 1ère sortie dans l'Espace de la mission EO-3 débute le 26 février 1988 à 09h30 GMT quand les cosmonautes Vladimir TITOV (Orlan-DM n°7) et Moussa MANAROV (Orlan-DM n°9) sortent par l'écoutille du PKhO.

L'objectif principal est de remplacer l'une des quatre sections du panneau solaire vertical déployé par EO-2 en juin 1987. La nouvelle section, comme son aînée, est constituée de huit feuilles. Cependant celles-ci sont faites d'un alliage de carbone et de plastique, et non de métal comme sur les anciens modèles. Cette amélioration permet d'augmenter la quantité d'énergie générée : six feuilles de nouvelle génération produisent autant d'énergie que huit de l'ancienne. Les deux feuilles restantes ont été équipées d'un certain nombre de capteurs qui permettront d'étudier leur comportement.

Les cosmonautes se dirigent immédiatement vers la base du panneau solaire. Les opérations de remplacement de la section se déroulent sans incident.

Pour clore la sortie, TITOV et MANAROV se rendent sur le module Kvant pour inspecter l'antenne de Progress-34 qui avait rencontré des difficultés lors de son déploiement. Ils filment également l'extérieur de Mir et de Soyouz TM-4, et remplacent des cassettes d'expériences destinées à être exposées au vide spatial.

Les cosmonautes rentrent dans le sas à 13h55 GMT. La sortie aura duré 4h25.

4. Arrivée des vaisseaux Progress-35 et Progress-36

Le 4 mars 1988, le vaisseau Progress-34 quitte la station. Dans le courant du mois de mars, un incident survient à bord de Mir. Lors d'une manœuvre de routine, le TsUP envoie un ordre pour modifier l'orientation de la station. Mais quelques instants plus tard, les cosmonautes aperçoivent le Soleil par un hublot dans lequel il ne devrait pas apparaître, si la réorientation s'était déroulée correctement.

Mir est donc mal orientée, et ses panneaux solaires ne peuvent plus recharger les batteries, dont la charge baisse dangereusement. Quand ils entrent dans la zone de visibilité radio, ils préviennent le TsUP de la situation, mais les ingénieurs leur répondent que tout est normal et qu'ils ne doivent pas s'inquiéter. Lors de l'orbite suivante, le TsUP se veut à nouveau très rassurant.

Ensuite, durant cinq orbites, Mir ne repasse pas au-dessus de l'Union soviétique, et les communications avec le TsUP sont donc impossibles. Les batteries se déchargent de plus en plus, jusqu'à l'apparition du signal Umin (tension basse). L'éclairage, la ventilation et tous les autres systèmes non vitaux se mettent alors hors service pour économiser l'énergie.

Fig. 4.1 : Moussa MANAROV joue de la guitare à bord de Mir.
Crédit : Novosti Kosmonavtiki.

Les gyroscopes du module Kvant continuent de maintenir l'orientation de la station en tournant à environ 20000tr/min. Mais leur suspension magnétique n'étant plus alimentée, ils commencent à entrer en contact avec le carter qui les soutient, et il en résulte des bruits très inquiétants. Les cosmonautes tentent de contacter la Terre avec la radio du vaisseau Soyouz TM-4, mais sans succès.

TITOV n'a alors pas d'autre choix que d'orienter la station manuellement (mode RO) en utilisant les moteurs DPO de Soyouz TM-4, pendant que MANAROV le guide en regardant par un hublot. Les panneaux solaires sont à nouveau éclairés, et l'éclairage et la ventilation sont remis en service. Les ordinateurs sont toujours à l'arrêt, et le système de production d'oxygène Elektron ne s'est pas remis de cet incident, forçant l'équipage à respirer l'oxygène des cartouches TGK pendant les deux mois qui suivent.

Le TsUP avait envoyé une commande erronée. Il faudra de nombreuses pièces de rechange apportées par les vaisseaux Progress pour rendre Elektron à nouveau opérationnel. Cet incident a été révélé par Vladimir TITOV dans une interview à Novosti Kosmonavtiki en avril 2012. Le frottement des gyroscopes sur leur carter aurait pu réduire la station en pièces, selon certains spécialistes soviétiques de l'époque, qui ont estimé que les cosmonautes ont eu beaucoup de chance.

Le 17 mars, les cosmonautes étudient les effets du bruit généré par les différents ventilateurs de la station, et ce dans le cadre de l'expérience Akoustika.

Une semaine plus tard, le 23 mars, le vaisseau de ravitaillement Progress-35 est lancé de Baïkonour. Il s'amarre sur le module Kvant le 25 mars 1988 à 22h02 GMT.

Fin mars-début avril, l'équipage effectue des tests sur de nouveaux appareils destinés à améliorer les communications entre la station et le TsUP. Le 22 avril, les moteurs de Progress-35 sont mis en service pour rehausser l'orbite de la station. Le 5 mai, le vaisseau quitte la station.

Son successeur, Progress-36, décolle de Baïkonour dès le 13 mai 1988, et s'amarre sur le module Kvant le 15 mai 1988. Il apporte environ deux tonnes de matériel bulgare destiné à être utilisé par le cosmonaute Aleksandr ALEKSANDROV, qui doit arriver en juin prochain. L'une de ces expérience se nomme Liouline : il s'agit d'un appareil portable, fonctionnant à base de cartouches de lithium, servant à étudier les rayons cosmiques.

Au cours du mois de mai, un hublot de la station est percuté par une particule inconnue, qui y creuse un cratère. Les ingénieurs pensent qu'il s'agissait d'un débris spatial. Les observations de ce type de dommages sont effectuées avec l'instrument TIGR (acronyme russe pour Télévision-Interférence-Holographique-Enregistreur), déjà présent sur Saliout-6 et Saliout-7. Cet appareil permet d'envoyer au sol des images vidéo, des photographies, ainsi que des hologrammes des hublots.

5. Arrivée du vaisseau Soyouz TM-5

Le 5 juin 1988, Progress-36 quitte la station, libérant ainsi la pièce d'amarrage du module Kvant.

Le vaisseau spatial Soyouz TM-5 décolle du cosmodrome de Baïkonour le 7 juin 1988. Il transporte les cosmonautes Anatoli SOLOVIOV et Viktor SAVINYKH, ainsi que le Bulgare Aleksandr ALEKSANDROV. Les trois hommes constituent l'équipage EP-3 et s'amarrent sur Kvant le 9 juin 1988 à 15h57'10" GMT. L'amarrage doit être effectué en mode manuel, suite à une défaillance du système automatique Kours.

Fig. 5.1 : SAVINYKH, ALEKSANDROV et SOLOVIOV à leur arrivée sur Mir.
Crédit : TASS.

Après une semaine d'opérations communes, ils embarquent à bord du vaisseau Soyouz TM-4 et quittent la station le 17 juin 1988 à 06h20'50" GMT. TITOV et MANAROV se retrouvent à nouveau seuls à bord.

Le lendemain, 18 juin 1988, à 10h11'00" GMT, ils séparent le vaisseau Soyouz TM-5 du module Kvant pour l'amarrer à 10h27'01" GMT au PKhO.

Après le déplacement de leur nouveau vaisseau, les cosmonautes s'attellent à préparer leur deuxième sortie dans l'Espace. Celle-ci n'était à l'origine pas prévue au programme, mais elle a dû y être ajoutée pour répondre à des besoins scientifiques importants. En effet, le télescope à rayons X TTM monté sur le module Kvant a cessé de fonctionner il y a déjà plusieurs mois.

Mais le TTM n'a pas été conçu pour être réparé dans l'Espace, et la tâche de TITOV et MANAROV en sera d'autant plus complexe. Pour s'entraîner, on leur a envoyé des vidéos des manœuvres à effectuer. Ils ont aussi pu s'entretenir par radio avec d'autres cosmonautes qui ont réalisé des simulations en piscine. Les outils nécessaires, spécialement conçus par des ingénieurs néerlandais et soviétiques, ont été apportés par l'équipage EP-3.

6. La deuxième sortie dans l'Espace

La 2ème sortie dans l'Espace de la mission EO-3 débute le 30 juin 1988 à 05h33 GMT quand les cosmonautes Vladimir TITOV (Orlan-DM n°7) et Moussa MANAROV (Orlan-DM n°9) sortent par l'écoutille du PKhO.

Les cosmonautes se dirigent immédiatement vers le module Kvant, et ils commencent par retirer une vingtaine de couches d'isolant thermique pour atteindre le détecteur du TTM qu'ils doivent réparer. Il est très difficile pour eux de travailler, car cette zone de Kvant ne possède aucune cale où ils pourraient s'accrocher.

Ils perdent beaucoup de temps avec trois vis qui refusent d'être actionnées correctement. Ils se fatiguent énormément et doivent se reposer plusieurs fois. Alors qu'ils ont déjà effectué près des trois quarts des réparations, un de leurs outils se bloque et les opérations doivent être interrompues.

Avant de rentrer dans le sas, ils repèrent des emplacements où pourront être fixés des cale-pieds pour la sortie franco-soviétique prévue pour le mois de décembre 1988. Deux ingénieurs français supervisent l'opération depuis le TsUP.

La sortie aura duré 5h10 et se termine à 10h43 GMT. Vladimir TITOV a rencontré un incident avec son scaphandre : l'humidité a altéré le fonctionnement d'un capteur qui a envoyé une fausse alarme indiquant un problème de ventilation. Les réparations de TTM seront poursuivies lors d'une nouvelle sortie, prévue pour le 5 juillet. Cependant, elle est rapidement repoussée au mois d'octobre afin de laisser davantage de temps aux cosmonautes pour se préparer.

7. Arrivée du vaisseau Progress-37

Un nouveau vaisseau ravitailleur, Progress-37, décolle de Baïkonour le 18 juillet 1988, et s'amarre au module Kvant le 20 juillet 1988 à 22h33'40" GMT.

Le 6 août 1988, Vladimir TITOV et Moussa MANAROV sont informés de la mort de leur compagnon Anatoli LEVTCHENKO, qui avait décollé avec eux à bord de Soyouz TM-4.

8. Arrivée de Soyouz TM-6 et de Progress-38

Le 12 août 1988, le vaisseau Progress-37 quitte la station. Deux semaines plus tard, le 31 août 1988 à 05h40'43" GMT, le vaisseau Soyouz TM-6 s'amarre au module Kvant. Il est occupé par l'équipage EP-4, constitué des cosmonautes soviétiques Vladimir LIAKHOV et Valeri POLIAKOV, ainsi que du premier cosmonaute afghan, Abdul MOHMAND.

Les deux équipages travaillent ensemble durant six jours puis, le 5 septembre 1988, LIAKHOV et MOHMAND embarquent à bord de Soyouz TM-5 et quittent la station, libérant ainsi le PKhO. Valeri POLIAKOV, quant à lui, reste à bord pour effectuer un programme de recherches médicales poussé et il devient le troisième membre de EO-3.

Le 8 septembre 1988, TITOV, MANAROV et POLIAKOV déplacent Soyouz TM-6. Ils se séparent de Kvant à 01h04'46" GMT et s'amarrent sur le PKhO à 01h25'00" GMT.

Le 9 septembre 1988, le vaisseau de ravitaillement Progress-38 est lancé de Baïkonour. Il s'amarre au module Kvant le 12 septembre 1988 à 01h22'28" GMT.

9. La troisième sortie dans l'Espace

La 3ème sortie dans l'Espace de la mission EO-3 débute le 20 octobre 1988 à 05h59 GMT quand les cosmonautes Vladimir TITOV (Orlan-DMA n°6) et Moussa MANAROV (Orlan-DMA n°10) sortent par l'écoutille du PKhO.

L'objectif principal est de poursuivre les réparations du télescope TTM, qui n'avaient pas pu être achevées lors de la sortie du 30 juin 1988. Le vaisseau Progress-38 avait apporté sur Mir sept nouveaux outils, ainsi que les deux premières combinaisons Orlan-DMA. Ces nouveaux scaphandres sont capables de fonctionner sans être reliés électriquement à la station mais, comme c'est leur première utilisation, ils resteront connectés à l'alimentation de la station.

Durant toutes la durée des opérations, POLIAKOV reste dans le vaisseau Soyouz TM-6, prêt à procéder à l'évacuation en cas de problème. Le Compartiment de Vie (BO) du vaisseau est dépressurisé pour donner plus de place aux cosmonautes.

Fig. 9.1 : La sortie du 20 octobre 1988.
Crédit : DR.

TITOV et MANAROV ont avec eux un nouveau détecteur pour le TTM qui, contrairement à l'ancien qui est tombé en panne, a été spécialement conçu pour être manipulé avec des gants de scaphandres. Les cosmonautes rencontrent quelques difficultés, mais ils parviennent finalement à installer le détecteur, et ce avec une heure d'avance sur l'horaire.

Avant de rentrer dans le sas, TITOV et MANAROV installent un cale-pied spécial pour la sortie franco-soviétique de décembre. Il a été réalisé à partir des mesures récoltées lors de la sortie du 26 février 1988. La sortie se termine à 10h11 GMT. Elle a duré 4h12.

10. Atterrissage du vaisseau Soyouz TM-6

Le 28 novembre 1988, à 17h15'40" GMT, le vaisseau spatial Soyouz TM-7 s'amarre sur le module Kvant. Il est occupé par les cosmonautes de EO-4 Aleksandr VOLKOV et Sergueï KRIKALIOV, ainsi que par le Français Jean-Loup CHRETIEN. Les opérations communes durent près d'un mois. Le 9 décembre, VOLKOV et CHRETIEN réalisent une sortie dans l'Espace franco-soviétique.

Le 21 décembre 1988, TITOV, MANAROV et CHRETIEN enfilent leurs combinaisons Sokol-KV-2 et embarquent à bord de Soyouz TM-6. Le vaisseau se sépare du PKhO à 02h32'54" GMT. VOLKOV, KRIKALIOV et POLIAKOV restent à bord de la station.

Suite aux problèmes qu'a connus Soyouz TM-5, le plan de vol pour le retour a été modifié et, dorénavant, le Compartiment de Vie (BO) n'est largué qu'après l'allumage du moteur SKD. Par conséquent, la consommation d'ergols est augmentée de 10%, mais les réserves sont suffisantes. De plus, ce changement de procédure implique une mise à jour des programmes de vol. Cela ne pose pas de problème pour les vaisseaux Soyouz lancés après l'incident de Soyouz TM-5, c'est-à-dire à partir de Soyouz TM-7. Mais Soyouz TM-6 était parti avec un "vieux" programme et a dû être mis à jour par les cosmonautes durant le vol.

Or, il s'avère que le nouveau programme n'est pas compatible avec ceux qui sont déjà chargés dans la mémoire de l'ordinateur de bord, et celui-ci est surchargé. En conséquence, Soyouz ne pourra pas se poser à 06h48 GMT comme prévu, et les cosmonautes doivent orienter leur vaisseau manuellement. Mais comble de malchance, l'orbite du vaisseau passe juste au dessus du terminateur, c'est-à-dire de la limite entre l'ombre et la lumière.

Pour effectuer cette manœuvre en manuel, il faudrait que MANAROV et CHRETIEN, chacun de leur côté, veillent à la bonne marche du moteur. Or, étant donné l'orbite de Soyouz, CHRETIEN, ne voit que l'ombre, et MANAROV est ébloui par le Soleil. Ils doivent donc attendre deux orbites pour pouvoir tenter l'opération d'alignement, qui est finalement réalisée avec succès.

Fig. 10.1 : Atterrissage de Soyouz TM-6.
Crédit : TASS.

Soyouz se pose sans problème le 21 décembre 1988 à 09h56'40" GMT à 180km au sud-est de Dzhezkazgan, au Kazakhstan. La troisième mission principale vers Mir aura duré 365 jours 22 heures 38 minutes 38 secondes, ce qui permet de battre le record mondial. Le vol de Jean-Loup CHRETIEN a duré 24 jours 18 heures 7 minutes 6 secondes.

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