Fobos | Les instruments

1. Généralités

Les deux sondes Fobos étaient munies d'une charge utile scientifique de 540kg chacune. Un total de 25 instruments ont été développé pour cette double mission, par treize pays différents plus l'Agence Spatiale Européenne (ESA). Les charges utiles sont identiques sur les deux sondes, à l'exception de Terek et IPNM-3, qui n'ont été embarqués que sur Fobos-1, et de Termoskan, qui n'a été embarqué que sur Fobos-2.

Fig. 1.1 : Disposition des instruments sur Fobos-1.
Crédit : NPO Lavotchkine.

Presque tous les instruments de Fobos-2 ont fourni des résultats scientifiques qui ont donné lieu à un très grand nombre de publications. La charge utile de Fobos-1, perdue avant son arrivée dans le système martien, a tout de même donné d'importants résultats dans le domaine de la recherche sur le Soleil, les vents solaires et les sursauts gamma.

Cette section détaille l'ensemble des instruments des sondes Fobos. On notera que les instruments LET, SLED et HARP forment un complexe baptisé ESTER, qui est contrôlé par un unique boîtier de commande. De la même façon, les instruments SOVIKOMS et TAUS forment un complexe appelé MPK.

Instrument Pays participant A fourni un résultat
URSS CZK PL ESA FR RFA AT FL HG BG SU CH IR RDA Fobos-1 Fobos-2
Les études de la composition du sol de Phobos
IPNM-3 x                           Non -
LIMA-D x x       x x x   x         Non Non
DION x       x   x x             Non Non
GS-14 x                           Non Oui
Les études du Soleil
Terek x x                         Oui -
IPHIR x     x x       x     x     Oui Oui
RF-15   x                         Non Oui
SUFR x                           ? ?
LET x     x   x     x           Oui Oui
SLED x         x     x       x   Oui Oui
HARP x               x           Oui Oui
SOVIKOMS x         x x   x           ? Oui
Les études de l'environnement de Mars
APV-F x x x x                     Oui Oui
MAGMA             x               Non Oui
FGMM x         x                 Oui Oui
ASPERA x             x     x       Non Oui
TAUS           x x               Non Oui
Les études de l'atmosphère et du sol de Mars
KRFM x                           Non Oui
ISM         x                   Non Oui
Termoskan x                           - Oui
AUGUSTE         x                   Non Oui
Les études de la structure du sol de Phobos
Grount x                           Non Non
Fregat x                 x       x Non Oui
Les études des sursauts gamma
LILAS         x                   Oui Oui
VGS x                           Non Oui

2. Les études de la composition du sol de Phobos

2.1. Le spectromètre IPNM-3

Fourni par le GEOKhI, c'est un détecteur de neutrons destiné à déterminer la présence ou non d'eau dans le sol de Phobos. Les mesures se font dans trois bandes : les neutrons thermiques, les neutrons suprathermiques et les neutrons rapides [34].

Pour des raisons de masse, l'IPNM-3 n'a pas été embarqué sur Fobos-2. Celui de Fobos-1 n'a fourni aucun résultat, étant donné que la sonde a été perdue bien avant son arrivée dans le système martien.

2.2. LIMA-D

LIMA-D est un spectromètre de masse à temps de vol (TOF-MS) destiné à étudier la composition chimique du sol de Phobos. Il est constitué d'un laser à impulsions qui envoie un faisceau sur la surface de Phobos afin de ioniser les éléments qui la composent. Ces ions sont ensuite captés par un réflectron puis analysés par le spectromètre.

Le LIMA-D est réalisé sous maîtrise d'œuvre de l'IKI. Le système d'acquisition de données est fourni par l'entreprise ouest-allemande von Hoerner & Sulger GmbH, qui est le sous-traitant de l'Institut Max Planck et de l'Institut de Météorologie de Finlande (FMI) [44]. Le réflectron est fourni par l'Observatoire Astronomique de Kardjali, en Bulgarie [45]. La Tchécoslovaquie fournit le système laser. L'Autriche et le Centre de Recherches en Physique Wigner de Hongrie ont également participé au projet.

Fig. 2.2.1 : L'instrument LIMA-D.
Crédit : DR.

Les observations se font depuis une distance de 30m à 80m de Phobos. Le laser a une longueur d'onde de 1,06μm et envoie toutes les 5 secondes un rayon de 1 à 2mm de diamètre avec une énergie de 0,5J [34].

Fig. 2.2.2 : Schéma de l'instrument LIMA-D.
Crédit : IKI.

Comme aucune des deux sondes n'a pu s'approcher de Phobos, les LIMA-D n'ont fourni aucun résultat.

2.3. DION

Il s'agit d'une expérience de spectrométrie de masse à ionisation secondaire. Le principe est de bombarder la surface de Phobos avec un faisceau d'ions. La matière est alors pulvérisée, et une partie est ionisée. Ces ions secondaires sont alors captés par un spectromètre de masse qui permet de mesurer la composition élémentaire de l'échantillon. Les observations de Phobos se feront à une distance de 50m.

Fig. 2.3.1 : Schéma de principe de DION.
1. Spectromètre FORTRON. 2. Canon à ions SIPPI. 3. Flux d'ions à analyser.
Crédit : IKI.

Le canon à ions SIPPI est développé par le Laboratoire de Physique et Chimie de l'Environnement (LPCE) d'Orléans, sous la direction de J.-L. MICHAU [19]. Il est équipé d'une source de krypton de 3keV et de 2mA et d'une alimentation électrique. Il a une masse de 10,7kg et ses dimensions sont 45x32x13cm [20].

Fig. 2.3.2 : Le canon à ions SIPPI.
Crédit : CNES/CNRS.

Le spectromètre de masse quadripolaire FORTRON est fourni par l'IKI, où il est placé sous la responsabilité de G. MANAGADZE. C'est le bureau de construction SKB KP de l'IKI qui réalise l'instrument [19][21]. FORTRON permet de détecter les éléments dont la masse atomique est comprise entre 1 et 60 [22].

Fig. 2.3.3 : G. MANAGADZE et E. EVLANOV (IKI) lors des essais de DION.
Crédit : IKI.

L'Institut de Recherche Spatiale (Institut für Weltraumforschung) de l'Académie des Sciences d'Autriche et l'Institut de Météorologie (Ilmatieteen laitos) de Finlande participent également à l'expérience DION. Comme aucune des deux sondes Fobos n'a pu réaliser sa manœuvre d'approche de Phobos, les expériences DION n'ont pas fourni de résultat. Le savoir-faire acquis en France pour le développement du SIPPI a en revanche été mis à profit pour la construction de l'instrument COSIMA de la sonde Rosetta.

2.4. GS-14

Le spectromètre gamma GS-14 est destiné à l'étude de la composition du sol de Phobos et de Mars. Fourni par le GEOKhI, il est construit autour d'un détecteur au CsI de 100x100mm qui capte l'énergie dans la bande 0,3-10,0MeV. Afin de réduire le bruit de fond, l'instrument est monté le plus loin possible du centre de la sonde, c'est à dire à l'extrémité de l'un des deux panneaux solaires [43].

Fig. 2.4.1 : Le spectromètre GS-14.
Crédit : SOURKOV.

Le GS-14 ne Fobos-1 n'a donné aucun résultat. C'est d'ailleurs en démarrant cet instrument que la sonde a été perdue. Celui de Fobos-2, en revanche, a réalisé plusieurs séances d'analyses de la surface de Mars.

3. Les études du Soleil

3.1. Le télescope Terek

Terek est un télescope fourni par l'URSS et la Tchécoslovaquie. Embarqué uniquement sur Fobos-1, il est destiné à l'observation du Soleil dans des longueurs d'onde allant des rayons X au visible.

Il a permis d'étudier le Soleil dans trois bandes spectrales. Le miroir est construit par l'Institut de Physique de l'Académie des Sciences d'Union soviétique, et renvoie la lumière sur un capteur CCD. Les observations se font dans la bande X (5-25Å), MX (170-180Å) et K (observation de la couronne solaire) [41].

Fig. 3.1.1 : Schéma de l'optique de Terek.
Crédit : SOBELMAN.

Le télescope a été mis en service le 23 juillet 1988, et a fonctionné jusqu'à la perte de la sonde. Il a permis de réaliser 14 séances d'observation qui ont rapporté un total de 140 images [41].

Fig. 3.1.2 : Exemple d'image du Soleil prise par Terek.
Crédit : SOBELMAN.

Fig. 3.1.3 : Les objectifs de Terek.
Crédit : JMO n°7-8/2007.

Fig. 3.1.4 : Les détecteurs du coronographe de Terek.
Crédit : JMO n°7-8/2007.

3.2. IPHIR

L'instrument IPHIR (InterPlanetary Helioseismology by IRradiance) est un photomètre destiné à l'étude des oscillations du Soleil via l'observation de l'irradiance solaire en continu sur trois longueurs d'onde (335nm, 500nm et 862nm) [37][38].

Il est construit par l'Observatoire de Davos de Physique et de Météorologie (PMOD), en Suisse. L'ESA, l'Institut d'Astrophysique de Crimée, l'Institut Central de Recherche en Physique de Hongrie, et le Laboratoire de Physique Stellaire et Planétaire (LPSP) du CNRS ont également contribué au projet [38].

Fig. 3.2.1 : Le Professeur R.-M. BONNET (ESA) avec l'instrument IPHIR.
Crédit : PMOD.

L'IPHIR de Fobos-1 a observé le Soleil pendant 45 jours, et celui de Fobos-2 pendant 160 jours.

Fig. 3.2.2 : L'instrument IPHIR.
Crédit : CNES/CNRS.

3.3. RF-15

C'est un photomètre infrarouge destiné à étudier le Soleil dans les bandes 2-4keV et 4-8keV. Il est développé par l'Institut d'Astronomie de l'Académie des Sciences de Tchécoslovaquie [16].

Le RF-15 est constitué de cinq chambres pressurisées à l'argon et dotées de fenêtres en béryllium. Des observations stéréoscopiques du Soleil ont été menées en utilisant simultanément le RF-15 de Fobos-2 et les photomètres XRS des satellites météorologiques américains GOES 6 et GOES 7 [17].

3.4. SUFR

Le Radiomètre Solaire Ultraviolet SUFR (Солнечный Ультрафиолетовый Радиометр) est destiné à l'observation du Soleil dans les ultraviolets extrêmes, c'est à dire dans des longueurs d'ondes inférieures à 130nm [1].

L'instrument est fourni par l'Institut de Géophysique Appliquée (IPG), où le projet est sous la responsabilité de Tamara KAZATCHEVSKAÏA. La construction de l'instrument a été assurée par le TsKB GMP [2].

Le SUFR de Fobos-1 a fonctionné jusqu'au moment de la perte de la sonde, et celui de Fobos-2 a fonctionné durant tout le trajet Terre-Mars, jusqu'en mars 1989. Des mesures sont prises tous les jours entre 18h25 GMT et 19h25 GMT [47].

3.5. LET

Le télescope LET (Low Energy Telescope) est fourni par l'ESA. L'IKI et l'Institut Max Planck pour l'aéronomie ont collaboré au développement [7].

Le LET est conçu pour mesurer la composition et le spectre d'énergie des rayons cosmiques et du vent solaire [23]. Les mesures sont faites sur les noyaux dotés d'une énergie comprise entre 1MeV/n et 75MeV/n à l'aide d'un détecteur au silicone monté sur une plate-forme rotative, afin de permettre des mesures directionnelles. Le télescope va aussi permettre de détecter (ou non) la présence de telles particules dans la magnétosphère de Mars [7].

Fig. 3.5.1 : Le télescope LET sur sa plate-forme rotative.
Crédit : ESA.

Le LET devait également servir à calibrer les détecteurs de la sonde américano-européenne ULYSSES, mais le lancement de celle-ci est reporté à 1990, et les mesures simultanées ne seront donc pas possibles [7].

Les instruments LET, SLED et HARP sont contrôlés par un unique boîtier appelé DPU-B, fourni par l'Institut Central de Recherche en Physique Wigner de Budapest.

Fig. 3.5.2 : Le DPU-B.
Crédit : Wigner.

Le LET de Fobos-1 a été mis en service pour la première fois le 19 juillet 1988. Sa plate-forme rotative ne fonctionne pas, mais le détecteur renvoie ses premiers résultats [7].

Fig. 3.5.3 : Exemple de relevé transmis par le LET de Fobos-1 le 21 juillet 1988.
Crédit : ESA.

Le LET de Fobos-2 a été démarré pour la première fois le 25 juillet 1988 et a fonctionné correctement [24]. Il a notamment permis d'observer une tempête solaire le 6 mars 1989 en coordination avec le satellite américain IMP-8 [25].

3.6. SLED

Le spectromètre SLED (Solar Low-Energy Detector) est destiné à l'étude du plasma dans l'environnement de Mars, via la mesure du flux d'électrons et d'ions dans la gamme d'énergie 30keV-6,5MeV [39].

L'instrument est fourni par l'Institut pour les Etudes Avancées de Dublin, l'Institut Max Planck pour l'Aéronomie de RFA et l'IKI. Par ailleurs, durant le trajet Terre-Mars, SLED est utilisé pour l'étude des rayons cosmiques [39].

SLED a une masse de 1,55kg et est constitué de deux télescopes (Te1 et Te2) dotés de détecteurs au silicone. Les SLED des deux sondes Fobos ont fourni des résultats.

3.7. HARP

L'analyseur électrostatique HARP permet la mesure des ions et des électrons dans la gamme d'énergie 0,25eV-850eV. Constitué de huit cellules, il est destiné à l'étude des vents solaires pendant le trajet Terre-Mars, et à l'étude de l'environnement martien [40].

Fig. 3.7.1 : Schéma d'un détecteur de HARP.
Crédit : SZÜCS.

L'instrument est fourni par l'IKI et l'Institut Central de Recherches en Physique de Budapest. Le HARP de Fobos-1 a fonctionné jusqu'à la perte de la sonde, et celui de Fobos-2 a permis de collecter des données sur l'environnement martien [40].

3.8. SOVIKOMS

C'est un spectromètre destiné à l'étude des particules constituant le vent solaire. Il mesure sur une gamme d'énergie comprise entre 50eV et 30keV. Il est fourni par l'IKI, l'Institut Max Planck de la République Fédérale d'Allemagne, l'Institut de Recherche Spatiale (Institut für Weltraumforschung) de l'Académie des Sciences d'Autriche et la Hongrie [34].

Fig. 3.8.1 : Schéma de principe de SOVIKOMS.
Crédit : Cosmos Club de France.

4. Les études de l'environnement de Mars

4.1. APV-F

L'Analyseur d'Ondes de Plasma APV-F (Анализатор Плазменных Волн) est développé sous la supervision de l'IKI, où le projet est dirigé par Stanislav KLIMOV. L'Agence Spatiale Européenne (ESA), l'Académie des Sciences de Tchécoslovaquie et l'Institut d'Aviation (Instytut Lotnictwa) de Pologne participent également au projet.

Il est constitué de l'analyseur de spectre BAS, du capteur magnétique DM, du détecteur d'ions BD-3 et du système PWS [8].

Le BD-3 est fourni par l'Université Charles de rague. Le PWS (Plasma-Wave System) est fourni par l'ESA (ESTEC). Il est constitué d'un récepteur radio avec une antenne de 1,5m de long, dont le rôle est de mesurer les signaux électriques dans le voisinage de Mars, afin de cartographier les instabilités du plasma. Outre le récepteur, le PWS comprend aussi un collecteur de plasma de 6cm2 qui mesure le flux d'électrons [7].

L'instrument européen permet de mesurer les ondes électromagnétiques et électrostatiques dans la bande 0-150kHz. Il devait également servir à mesurer le potentiel électrique de la sonde pendant la phase de fonctionnement du canon à ions de l'expérience DION, afin d'en évaluer la performance [9].

Le PWS de Fobos-1 a fonctionné pendant qu'il traversait la magnétosphère terrestre et a fourni d'importants résultats scientifiques [7].

Fig. 4.1.1 : Exemple de relevé pris par le PWS de Fobos-1 le 8 juillet 1988,
à une distance de 200.000km de la Terre.
Crédit : ESA ([7]).

Le PWS de Fobos-2 a également réalisé plusieurs relevés dans le voisinage de Mars, qui ont permis de mieux comprendre les interactions entre la planète rouge et les vents solaires [10].

Fig. 4.1.2 : Exemple de relevé pris par le PWS de Fobos-2 le 1er février 1989,
lors de sa première orbite autour de Mars.
Crédit : ESA ([10]).

La partie non européenne de l'APV-F de Fobos-2 est tombée en panne au moment de l'arrivée de la sonde sur orbite martienne. Certains membres de l'équipe avaient conseillé de l'arrêter pendant la phase de freinage, mais cela n'a pas été fait [11].

Fig. 4.1.3 : Le détecteur BD-3.
Crédit : 45 лет ИКИ.

4.2. MAGMA

Le magnétomètre fluxgate MAGMA (MAGnetic field near MArs) est fourni par l'Institut de Recherche Spatiale (Institut für Weltraumforschung) de l'Académie des Sciences d'Autriche.

Fig. 4.2.1 : Le magnétomètre MAGMA.
Crédit : IWF.

Son objectif est d'étudier le champ magnétique de Mars. L'instrument MAGMA de Fobos-2 a produit d'importants résultats scientifiques, notamment en localisant un arc de choc (limite de la magnétosphère) à une altitude de seulement 2,8 fois le rayon de Mars, ce qui est bien inférieure aux prévisions [12].

Fig. 4.2.2 : Exemple de relevé pris par le MAGMA de Fobos-2 le 24 mars 1989.
Crédit : RIEDLER ([12]).

4.3. FGMM

Le magnétomètre fluxgate FGMM est fourni par l'Institut Max Planck pour la Physique Extraterrestre, en collaboration avec l'IZMIRAN. Il a les mêmes objectifs que MAGMA.

4.4. ASPERA

L'analyseur électrostatique ASPERA (Automatic Space Plasma Experiment with a Rotating Analyzer) est destiné à l'étude du plasma de l'environnement martien. Il mesure les ions dans la gamme 0,5eV/e-25keV/e et les électrons dans la gamme 1eV-50keV [35].

Fig. 4.4.1 : Schéma de principe de l'instrument ASPERA.
Crédit : BARABASH.

L'instrument est fourni par l'Institut suédois de recherche spatiale, l'Institut de Météorologie de Finlande et l'IKI. L'ASPERA de Fobos-2 a permis de déterminer que Mars perd son atmosphère à la vitesse de 3.1025 ions/s, ce qui signifie qu'elle n'en aura plus d'ici environ 100 millions d'années [36].

4.5. TAUS

Il s'agit d'un spectromètre développé en Allemagne à l'Institut Max Planck pour l'Aéronomie, sous la direction de Helmut ROSENBAUER. Il permet de mesurer les concentrations des ions H+, He2+ et des ions lourds [13]. L'Institut de Recherche Spatiale (Institut für Weltraumforschung) de l'Académie des Sciences d'Autriche a également collaboré au projet.

Fig. 4.5.1 : Exemple de relevé pris par l'instrument TAUS.
Crédit : ROSENBAUER ([13]).

TAUS a un champ de vision de 40°x40°, et observe dans la gamme 30V-6kV [15]. Celui de Fobos-2 a notamment permis de découvrir l'existence d'une plasmagaine au sein de la magnétoqueue de Mars [14].

Fig. 4.5.2 : Schéma de principe de l'instrument TAUS.
Crédit : Cosmos Club de France.

5. Les études de l'atmosphère et du sol de Mars

5.1. KRFM

Le KRFM (комбинированный радиометр-спектрофотометр) est un double instrument rassemblant un spectrophotomètre ultraviolet et un radiomètre infrarouge. Son but est d'étudier les propriétés physiques du régolithe de Phobos.

Les observations dans l'ultraviolet se dont dans la bande 300-600nm à l'aide d'un détecteur à l'arséniure de gallium (GaAs) [29], et celles dans l'infrarouge dans la bande 6-50μm [28]. L'instrument est fourni par l'IKI, où il est développé sous la responsabilité de Leonid KSANFOMALITI.

5.2. ISM

Le spectromètre ISM est destiné à observer Phobos dans le domaine infrarouge, dans la bande 0,76-3,14μm. Il est développé sous maîtrise d'œuvre du CNES, et sa réalisation a été menée à bien conjointement par le Laboratoire de Physique Stellaire et Planétaire (LPSP) du CNRS (devenu depuis l'Institut d'Astrophysique Spatiale, IAS), l'Observatoire de Paris-Meudon et le Laboratoire René Bernas d'Orsay [22].

ISM est le premier imageur spectral dans le visible et proche infrarouge à être embarqué sur une sonde spatiale. Il est complémentaire du KRFM, et il est d'ailleurs monté directement dessus. Le KRFM fourni une partie de la puissance électrique de l'ISM. Son objectif a une focale f/4:100, une ouverture de 25mm et observe dans un champ de ±20°. L'ISM est constitué du boîtier optique ISM1 (4kg) et du boîtier électronique ISM2 (2,1kg) [32].

Fig. 5.2.1 : L'instrument ISM.
Crédit : CNES/CNRS.

L'ISM de Fobos-1 n'a fourni aucun résultat, mais celui de Fobos-2 a réalisé d'importantes observations qui ont notamment permis de mettre en évidence l'hétérogénéité des propriétés spectrales de Phobos [30]. Il a permis de cartographier environ 15% de la surface de Mars entre -30° et +30° de latitude, et a révélé la présence d'eau dans les roches martiennes [31].

Fig. 5.2.2 : L'optique de l'ISM.
Crédit : The ISM infra-red imaging spectrometer of the Soviet Phobos mission.

5.3. Termoskan

Le radiomètre infrarouge Termoskan est destiné à cartographier Mars dans l'infrarouge. Il est fourni par le RNII KP, et a une masse de 28kg. Il prend des clichés avec une résolution de 1,8km sur un champ de 650km de largeur [26]. Pour des raisons de masse, il n'a été embarqué que sur Fobos-2.

Fig. 5.3.1 : L'instrument Termoskan.
Crédit : RKS.

Après avoir été réfléchie par trois miroirs (1 - 2 - 3), la lumière est séparée en deux faisceaux infrarouge et visible par un filtre à interférence (4). Le détecteur infrarouge Cd-Hg-Te (5) est refroidi à 77K par de l'azote liquide. Le détecteur dans le spectre visible est constitué de photodiodes à avalanche au silicium [27].

Fig. 5.3.2 : Schéma de l'optique de Termoskan.
Crédit : Атлас МАРСА по данным радиометра ТЕРМОСКАН.

L'observation en infrarouge se fait dans la bande 8,0-12,5μm, et dans le domaine visible dans la bande 0,5-1,00μm. L'objectif a une focale de 375mm. Le Termoskan a réalisé huit séances d'observation : deux le 11 février 1989, deux le 1er mars 1989 et quatre le 26 mars 1989 [27].

Fig. 5.3.3 : Images de Mars en infrarouge (en haut)
et dans le domaine visible (en bas) réalisée le 26 mars 1989.
Crédit : Атлас МАРСА по данным радиометра ТЕРМОСКАН.

Fig. 5.3.4 : En rouge, les zones de Mars observées
par le Termoskan de Fobos-2 avant sa perte.
Crédit : Атлас МАРСА по данным радиометра ТЕРМОСКАН.

5.4. AUGUSTE

C'est un spectrophotomètre destiné à l'étude des constituants de l'atmosphère martienne fourni par le Service d'Aéronomie du CNRS. Il est constamment pointé vers le Soleil, ce qui permet d'étudier l'atmosphère de Mars à chaque fois que la planète passe devant le Soleil [22].

Fig. 5.4.1 : L'instrument AUGUSTE.
Crédit : CNES/CNRS.

AUGUSTE fonctionne dans une bande de fréquence allant de l'ultraviolet à l'infrarouge. L'instrument de Fobos-1 n'a fourni aucun résultat, et celui de Fobos-2 a subi un dysfonctionnement de son système de pointage. Il a quand même permis de tracer plusieurs profils atmosphériques, et a notamment mis en évidence la présence d'ozone et de vapeur d'eau [33].

6. Les études de la structure du sol de Phobos

6.1. Grount

L'expérience Grount est constituée du radar RLK-84 de 35kg, fourni par le Bureau d'Etudes Spéciales (SKB) de l'Institut de Radiotechnique et d'Electronique (IRE) de l'Académie des Sciences d'Union soviétique, en collaboration avec l'Institut d'Aviation Civile (RKIIGA) de Riga [18].

Fig. 6.1.1 : Schéma de principe du fonctionnement du RLK-84 au-dessus de Phobos.
Crédit : Новая газета.

L'objectif est de cartographier le relief de Phobos, et d'étudier la structure de son sous-sol. Le radar peut fonctionner sur trois fréquences distinctes (5MHz, 60MHz et 500MHz), ce qui lui permet de sonder le sous-sol à différentes profondeurs (200m, 100-200m, 30-100m, respectivement) [18].

Fig. 6.1.2 : Le radar RLK-84.
Crédit : Новая газета.

La première des trois fréquences est produite par une antenne de 20m de long, et les deux autres par de plus petites antennes. Pour des raisons de masse, l'antenne de 20m n'a pas été embarquée sur Fobos-2 [3].

Les essais du RLK-84 sont réalisés au sol et depuis un hélicoptère sur trois sites représentatifs de la surface de Phobos : la steppe du kraï de Krasnodar, le grand nord (depuis l'aéroport de Khatanga) et les montagnes d'Arménie [18].

Fig. 6.1.3 : Essais du radar RLK-84 en Arménie.
Crédit : Новая газета.

L'expérience Grount n'a pas pu fournir de résultat suite à la perte prématurée des deux sondes, mais le radar de Fobos-2 a pu être testé à trois reprises pendant le trajet Terre-Mars, et son bon fonctionnement a été confirmé [18].

6.2. Fregat

L'instrument Fregat, également appelé VSK (Видеоспектрометрический Комплекс), est un ensemble regroupant un système vidéo et un spectromètre. Avec une masse totale de 54,6kg, il est constitué de l'Ensemble des Caméras et du Spectromètre (BTS), d'un boîtier de commande (SU), d'un boîtier de mémoire vidéo (VZU) et d'une alimentation électrique [46].

Fig. 6.2.1 : Les éléments constitutifs du VSK.
A gauche : le SU et le boîtier électronique du VZU.
Au centre : le BTS. A droite : le boîtier de mécanisme du VZU.
Crédit : Телевизионные исследования Фобоса.

Le système vidéo est constitué de trois caméras. Deux d'entre elles sont des caméras à large champ, et permettent d'obtenir des images de la surface avec une résolution de 6cm (quand la sonde réalise son survol rapproché à une altitude de 50m). La première observe dans la bande 0,41-0,59μm (f=18,5mm), et la deuxième dans la bande 0,41-1,06μm (f=100mm) [46].

La troisième caméra, à champ étroit, permet d'obtenir des images avec une résolution de 20m à une distance de 100km, dans la bande 0,76-1,10μm (f=18,5mm). Le spectromètre, quant à lui, permet d'analyser la surface de Phobos dans la gamme 0,5-1,0μm [46].

Fig. 6.2.2 : Schéma du BTS.
1. Caméras à large champ. 2. Caméra à champ étroit.
3. Objectif du spectromètre. 4. Grille de diffraction. 5. Capteurs CCD. 6. Miroirs. 7. Radiateur.
Crédit : IKI.

Le boîtier d'enregistrement VZU a une mémoire de 1,5Gbit. Les données sont écrites à la vitesse de 2,08Mbit/s, et sont retransmises au système radio à la vitesse de 4,096kbit/s ou 8,192kbit/s [46].

L'instrument Fregat est réalisé par l'IKI, l'Institut des Mécanismes de Précision et d'Optique de Leningrad (LITMO), l'Institut de Recherche Spatiale de l'Académie des Sciences de Bulgarie, Institut de la Cybernétique et des Processus d'Information de l'Académie des Sciences de RDA, l'Institut de Recherche Spatiale de l'Académie des Sciences de RDA et le GEOKhI.

Le Fregat de Fobos-1 n'a fourni aucun résultat suite à la perte précoce de la sonde, mais celui de Fobos-2 a retransmis un total de 37 images de Phobos, prises à des distances de 200 à 1100km.

Fig. 6.2.3 : L'une des 37 images prises par le VSK de Fobos-2.
Crédit : IKI.

7. Les études des sursauts gamma

7.1. LILAS

Le spectromètre LILAS est destiné à l'étude des sursauts gamma. Fourni par le Centre d'Etude Spatiale des Rayonnements (CESR) du CNRS, il est constitué de deux détecteurs au NaI placés à l'extrémité des panneaux solaires, qui captent les énergies dans la gamme 6keV-1MeV [42].

Fig. 7.1.1 : Les deux détecteurs et le boîtier électronique de LILAS.
Crédit : 50 ans de coopération spatiale France-URSS/Russie.

7.3. VGS

Le spectromètre pour sursauts-gamma VGS (Всплесковый Гамма-Спектрометр) est fourni par l'IKI, où il a été réalisé sous la direction d'Igor MITROFANOV au département d'astronomie extra-atmosphérique [4][5].

Il s'agit en fait d'un petit boîtier additionnel qui fonctionne avec le spectromètre GS-14, et qui permet de l'utiliser non pas pour observer les rayonnements gamma de Mars, mais pour détecter les sursauts gamma [5].

Comme l'équipe de MITROFANOV est constituée de chercheurs et n'a pas d'expérience dans la conception d'instruments, le développement du VGS est confié à une équipe française du Centre d'Etudes Spatiales des Rayonnements (CESR) du CNRS, dirigée par Claude BARAT [5]. Du côté français, cette expérience est appelée APEX (Astrophysical Planetological EXperiment).

Le VGS est doté d'un détecteur à base d'iodure de césium (CsI). C'est un cylindre de 10cm x 10cm, et il est relié à un boîtier électronique. Il capte les émissions gammas comprises entre 64 et 9200keV avec une résolution temporelle de 1/128" (pour une observation de 8,6") ou de 1/8" (pour une observation de 55") [6].

Au total, le VGS embarqué sur Fobos-2 permet d'enregistrer une centaine de sursauts gamma. Le plus important, baptisé GB 881024, est détecté le 24 octobre 1988 à 22h07'54,736" GMT [6].

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Dernière mise à jour : 11 juillet 2017