R-1 | Descriptif technique

1. Généralités

La R-1 (8A11) est le premier missile balistique à longue portée construit en Union soviétique, sous la maîtrise d'œuvre du NII-88. Sa conception est identique à celle du missile V2, développé par le Troisième Reich.

Caractéristique Valeur
Portée (km) 270
Précision de portée (km) ±8
Précision latérale (km) ±4
Masse (kg) 13430
Masse de la partie haute (kg) 1075
Masse à vide (kg) 4030
Masse totale des ergols (kg) 9400
Masse de la charge militaire (kg) 785
Longueur (m) 14,275
Diamètre maximal (m) 1,652
Diamètre avec les ailerons (m) 3,564
Tableau 1.1 : Principales caractéristiques de la fusée R-1.

Elle est constituée d'un étage unique, propulsé par un moteur à ergols liquides RD-100. La partie haute n'est pas séparable, et c'est donc le missile entier qui frappe sa cible, avec une portée maximale de 270km. Il atteint alors une altitude maximale de 80km, et une vitesse de 1400m/s. A ce moment, le moteur est mis hors service et la fusée poursuit son vol selon une trajectoire balistique. Au moment d'atteindre la cible, elle a une vitesse de 850 à 900m/s [2].

Fig. 1.1 : Schéma de la R-1.
Crédit : RKK Energuia.

Le réservoir d'éthanol est placé au-dessus du réservoir d'oxygène liquide. En dessous des réservoirs, un compartiment arrière abrite le moteur RD-100 et est équipé de quatre stabilisateurs. Au-dessus des réservoirs se trouve le compartiment des instruments, qui abrite le système de contrôle et le système de télémétrie. Enfin, au sommet de la fusée se trouve la partie haute, abritant la charge militaire.

Organisation Rôle
Nom en 1948 Nom actuel
NII-88 TsNIIMach Maîtrise d'œuvre
OKB-456 NPO Energomach Moteur RD-100
NII-20 VNIIRT Système de télémétrie Brazilionit
Système radar de la R-1A
NII-885 RKS Système de télémétrie Don
Système de contrôle
Système de radioguidage BRK-1
NII-10 NII PM Gyromètres et accéléromètre
VNIEEI NPP Kvant Batteries
NII-627 VNIIEM Systèmes électrotechniques
NII-137 NII TM Charge militaire
GueoFIAN Institut de Physique
de la Terre Chmidt
Instrument FIAR-1 (V-1A, R-1B, R-1V, R-1D, R-1E)
FIAN Institut de Physique Lebedev Instrument d'étude du rayonnement cosmique (R-1B)
NII PDS NII Parachioutostroïenie Parachutes
NII AM GNIII A i KM Expériences avec des chiens
GOI GOI Vavilov Spectroscope (R-1B, R-1E)
LII LII Gromov Partie haute ailée (R-1B)
Usine n°586 PO Youzhmach Production en série de la R-1 et du RD-100
Usine n°897 Usine Kommounar Production en série du système de contrôle
GSKB SpetsMach TsENKI Segment sol
SKB-686
(usine Prozhektor)
  Systèmes électrotechniques du segment sol
Usine Podiomnik TsKBTM Transporteur-redresseur
Portique de manutention
Tableau 1.2 : Liste des organisations ayant participé au développement et à la construction de la R-1.

Les réservoirs d'ergols (alcool et oxygène liquide) sont en alliage d'aluminium et de magnésium. Ils sont soudés au NII-88 sous la direction de Leonid MORDVINTSEV [7]. La charge militaire de la R-1 est développée par le NII-137 sous la direction de Mark LIKHNITSKI [8].

2. Motorisation

La fusée R-1 est équipée d'un unique moteur RD-100 (8D51) développé par l'OKB-456 de Valentin GLOUCHKO. Il utilise l'oxygène liquide comme comburant, et une solution à 75% d'éthanol (C2H5OH) comme carburant.

Caractéristique Valeur
Poussée dans le vide (tf) 31,3
Poussée au niveau de la mer (tf) 27,2
Impulsion spécifique dans le vide (s) 237
Impulsion spécifique au niveau de la mer (s) 203
Durée de fonctionnement (s) 65
Pression dans la chambre (MPa) 1,59
Vitesse de la turbine (tr/min) 3900
Masse (kg) 885
Diamètre (mm) 1650
Hauteur (mm) 3700
Tableau 2.1 : Spécifications du moteur RD-100.

Il s'agit d'une copie conforme du moteur du V2 allemand, produit avec des matériaux soviétiques. La production en série est assurée, comme pour le reste de la R-1, à l'usine n°586 de Dniepropetrovsk, en Ukraine.

Fig. 2.1 : Le moteur RD-100.
Crédit : NPO Energomach.

Les ergols (éthanol et oxygène liquide) sont pompés des réservoirs vers la chambre de combustion par une turbopompe. Celle-ci est constituée de deux pompes (une pour chaque ergol) et d'une turbine.

La turbine est entraînée par un gaz produit dans le générateur de gaz (GG). Il s'agit d'une solution de peroxyde d'hydrogène (H2O2) à 80% décomposée à l'aide d'un catalyseur, en l'occurrence du permanganate de sodium (NaMnO4) concentré à 28%. Après être passés dans la turbine, les gaz sont éventés vers l'extérieur, et ne contribuent donc pas à la poussée totale du moteur. La mise à feu du moteur est déclenchée par des allumeurs pyrotechniques actionnés électriquement [10].

Fig. 2.2 : La turbopompe du RD-100.
Musée de Kapoustine Yar. Crédit : DR (annotations Nicolas PILLET).

La chambre de combustion, en forme de poire, est constituée d'éléments soudés, et elle est équipée d'une tuyère conique. Le refroidissement est assuré par un écoulement d'éthanol prélevé dans le réservoir, qui circule dans l'espace inter-parois [10]. Cet éthanol est envoyé dans l'espace inter-parois via six injecteurs disposés tout autour de la tuyère.

Fig. 2.3 : Les six injecteurs d'éthanol, et l'espace inter-parois où il circule.
Musée de l'Artillerie de Saint-Pétersbourg. Crédit : Nicolas PILLET.

Il arrive ensuite dans dix-huit petites chambres de combustion, dans lesquelles sont installés les allumeurs. L'éthanol est pulvérisé dans les chambres grâce à des petits trous. L'oxygène liquide arrive directement du réservoir dans ces petites chambres, et il est lui aussi pulvérisé. Le mélange éthanol/LOX est enflammé, puis se détend dans la chambre de combustion principale, en forme de poire.

Le surplus d'éthanol est renvoyé à l'aspiration de la turbopompe par une vanne réglante placée au centre des dix-huit petites chambres.

Fig. 2.4 : Les dix-huit petites chambres de combustion.
Musée de l'Artillerie de Saint-Pétersbourg. Crédit : Nicolas PILLET.

De plus, des petits orifices dans la paroi interne de la chambre de combustion permettent à une partie de l'éthanol circulant dans l'espace inter-parois de pénétrer à l'intérieur de la chambre de combustion, ce qui forme un film protecteur sur toute la surface de la chambre. Ce film joue le rôle d'isolant et permet de mieux protéger le métal des très hautes températures.

Fig. 2.5 : Les orifices percés dans la paroi interne de la chambre de combustion.
Musée de l'Artillerie de Saint-Pétersbourg. Crédit : Nicolas PILLET.

Les réservoirs d'éthanol, de peroxyde d'hydrogène et de permanganate de sodium sont maintenus sous pression grâce à un ciel d'azote. Le réservoir d'oxygène liquide, quant à lui, est pressurisé par de l'oxygène prélevé en amont des chambres de combustion et amené à l'état gazeux dans un échangeur thermique.

3. Télémétrie

La première version de la R-1 était équipée du système de télémétrie Brazilionit, développé au NII-20 sous la direction de Grigori DEGTIARENKO et dérivé du système allemand Messina [1].

La seconde version de la R-1 était équipée du système de télémétrie STK-1 « Don », développé par le NII-885 sous la direction d'Evgueni BOGOUSLAVSKI [1].

Don représente une grande avancée. Non seulement il fonctionne sur seize canaux, mais il utilise la technique du multiplexage temporel, ce qui permet d'augmenter considérablement la quantité de données transmises chaque seconde. Avec une fréquence de 62,5Hz, il est en effet capable de transmettre 1000 signaux distincts [3].

4. Système de contrôle

Le système de contrôle de la R-1 est fourni par le NII-885 de Nikolaï PILIOUGUINE. Il utilise les informations données par des capteurs fournis par le NII-10 de Viktor KOUZNIETSOV afin de déterminer à tout instant la position et la vitesse de la fusée [4]. Ces capteurs sont :

- le gyromètre GG-1, qui mesure l'angle de tangage,
- le gyromètre GV-1, qui mesure l'angle de lacet,
- l'intégrateur d'accélération longitudinale IG-1, qui calcule la vitesse selon l'axe longitudinal de la fusée à partir des informations d'un accéléromètre [4].

Cliquez ici si vous ne voyez pas la vidéo.

Vidéo 4.1 : Essai de l'intégrateur IG-1.
Crédit : Заводские испытания ракеты Р-1 первой серии.

Le système de contrôle comprend également l'allumeur électrique, les batteries au plomb fournies par le VNIEEI de Nikolaï LIDORENKO, le programmeur d'allumage (PTR), le convertisseur-amplificateur (UP) et la connectique [4].

Les gyromètres GG-1 et GV-1 mesurent l'angle entre le vecteur vitesse de la fusée et un repère de référence, et transmettent au convertisseur UP un signal électrique proportionnel à cet angle. L'UP génère alors un courant électrique qui alimente les moteurs électriques des compensateurs, qui permettent de corriger la trajectoire de la fusée [4].

Cliquez ici si vous ne voyez pas la vidéo.

Vidéo 4.2 : Essai des gyromètres GG-1 et GV-1.
Crédit : Заводские испытания ракеты Р-1 первой серии.

De son côté, l'accéléromètre envoie ses données à l'intégrateur IG-1, qui en déduit la vitesse de la fusée. Quand cette vitesse atteint une valeur prédéfinie, l'IG-1 envoie l'ordre qui arrête le moteur RD-100. La phase propulsée du vol est alors terminée, et la phase balistique commence [4].

Tous les systèmes électrotechniques qui constituent le système de contrôle de la R-1 sont fournis par le NII-627 d'Andronik IOSSIFIAN.

Nom Système Caractéristiques
UF-1 + STch1 Convertisseur de courant 27V/40±2V, 50±1,5Hz, 2,1A
UF-2 + STch2 Convertisseur de courant 27V/40±2V, 500±1Hz, 7,2A
UF-3 Convertisseur de courant triphasé 27V/40±2V (triphasé), 500±0,05Hz, 0,6kVA
UF-4 Convertisseur de courant triphasé 27V/40±2V (triphasé), 500±0,25Hz
RRM-1 Relais de commande 27V
8S-1 Relais 2 contacts - 40A
8S-2 Relais 2 contacts - 25A
8S-3 Relais 6 contacts - 10A
8S-5 Relais 10 contacts - 6A
10-S Contacteur 1 contact - 100A
RM-1 Moteur électrique 2300-2600tr/min
PTR-1 Moteur électrique 12W
DU-12 Moteur électrique 12W
RP-1/1106 Potentiomètre Plage de rotation : ±48°
TM-1 Réducteur Plage de rotation : ±67°
SNO-12,5 Régulateur de charge Précision : ±2%
SNO-37,5 Régulateur de charge Précision : ±1,5%
Tableau 4.1 : Systèmes électrotechniques de la R-1 fournis par le NII-627 [6].

En plus des moyens inertiels, le guidage est complété par un système radio appelé BRK-1 (Боковая радиокоррекция), qui permet d'améliorer la précision. Il est développé également au NII-885 sous la direction de Mikhaïl BORISSIENKO. Le BRK-1 est dérivé du système allemand Viktoria/Hawaï qui équipait le V2, mais il utilise une antenne Yagi au lieu d'une antenne dipolaire [9].

La partie terrestre du BRK-1 est constituée de trois camions ZIL-131 à six roues motrices, et de trois groupes électrogènes mobiles 8N01 de 12,5kW chacun, fournis par le SKB-686. Le premier camion abrite l'émetteur du BRK-1, le second l'appareil de contrôle, et le troisième des pièces détachées, en cas de panne.

Fig. 4.1 : Emetteur du BRK-1.
Crédit : Ракеты и люди.

5. Le segment sol

Le segment sol de la R-1, calqué sur celui de la fusée allemande V2, est constitué d'un complexe technique (TP) et d'un complexe de tir (SP). Son développement est confié au GSKB SpetsMach de Vladimir BARMINE.

Le transporteur-redresseur de la R-1, ainsi que le portique qui permet sa manutention, sont développés par un groupe d'ingénieurs de l'usine Podiomnik (ce groupe deviendra plus tard le TsKBTM).

Fig. 5.1 : Schéma du complexe technique.
1. Fusée. 2. Plate-forme hydraulique. 3. Véhicule pour les essais horizontaux. 4. Véhicule pour les essais autonomes. 5. Système d'alimentation. 6. Station de compression. 7. Groupe électrogène mobile. 8. Véhicule pour les batteries. 9. Chargeur de batteries.
Crédit : ЦКБТМ 50 лет.

Fig. 5.2 : Schéma du complexe de tir.
1. Fusée sur la table de lancement. 2. Transporteur-redresseur. 3. Citerne d'oxygène.
4. Avitailleuse de kérosène. 5. Citerne de peroxyde d'hydrogène. 6. Avitailleuse de peroxyde d'hydrogène. 7. Réchauffeur d'air. 8. Véhicule de lutte contre l'incendie. 9. Véhicule d'allumage.
10. Véhicule ZIP. 11. Véhicule de câble. 12. Groupe électrogène. 13. Convertisseur électrique.
14. Batteries. 15. Véhicule de commande.
Crédit : ЦКБТМ 50 лет.

Le transporteur-redresseur 1N (8U22) a une masse de 12500kg. Il permet de transporter la fusée depuis le complexe technique jusqu'au complexe de tir, et de l'y placer à la verticale [19].

Fig. 5.3 : Schéma du transporteur-redresseur 1N.
1. Châssis. 2. Flèche. 3. Vérin hydraulique de redressement. 4. Boggie avant.
5. Cale. 6. Tuyauterie de remplissage. 7. Plate-forme de service.
Crédit : ЦКБТМ 50 лет.

Le portique de manutention N63 (8T21) permet de déplacer la fusée R-1 lors de sa préparation, et également de la disposer sur le transporteur-redresseur [19].

Fig. 5.4 : Schéma du portique de manutention N63.
1. Portique. 2. Supports. 3. Boggie. 4. Mécanisme de montage du portique.
5. Mécanisme de déplacement du charriot. 6. Charriot. 7. Mécanisme de levage.
Crédit : ЦКБТМ 50 лет.

Les système électriques du segment sol sont développés par le SKB-686 (usine Prozhektor) de Moscou, sous la direction d'Aleksandr GOLTSMAN [8].

6. La version R-1A

La fusée R-1A a été lancée à six exemplaires en mai 1949. Son objectif principal était de tester la séparation de la partie haute afin de préparer la R-2. La séparation intervient après l'arrêt du moteur RD-100, c'est à dire au début de la phase balistique du vol. L'instant de la séparation est détecté par un gyroscope [11].

L'ogive de la fusée est équipée d'une protection afin d'assurer son intégrité durant son retour dans l'atmosphère, et elle atterrit à l'aide d'un parachute [12]. La R-1A est équipée d'un émetteur radar qui permet au sol de suivre la trajectoire de la fusée [11][12].

Ce système radar, développé au NII-20 sous la direction de Boris KONOPLIEV, permet pour la première fois d'étudier la propagation des ondes SHF et UHF dans la haute atmosphère. Il s'avère que le plus gros obstacle à leur propagation n'est pas l'environnement lui-même, mais le jet du moteur de la fusée [12].

Outre son rôle premier de banc d'essai volant pour le système de séparation, la R-1A est également mise à profit par l'Académie des Sciences pour mener des études scientifiques sur la haute atmosphère. Ainsi, les deux dernières fusées ne sont pas lancées sur des trajectoires balistiques classiques, mais sur des trajectoires verticales (ce qui leur vaut l'appellation de V-1A).

Fig. 6.1 : Schéma de la V-1A. Les deux containers des FIAR-1 sont visibles.
Crédit : Творческое наследие академика СП Королева.

Les V-1A sont plus lourdes que les R-1 classiques : elles sont une masse au lancement de 13910kg (au lieu de 13430kg), et une masse sèche de 4470kg (au lieu de 4030kg). Elles sont capables de monter jusqu'à une altitude de 100km. Au moment de l'arrêt du RD-100, la fusée a une vitesse de 1210m/s [13].

Elles sont équipées de deux instruments FIAR-1 (Физические Измерения Атмосферы Разреженной) de 65kg chacun, fournis par l'Institut de Géophysique de l'Académie des Sciences (GueoFIAN) [13]. Ils sont placés dans des containers cylindriques situés dans le compartiment arrière de la fusée, et sont largués après l'arrêt du moteur RD-100 afin que leurs mesures ne soient pas affectées par le jet de gaz.

Les mesures des FIAR-1 commencent 4" après le largage des containers, et l'atterrissage se fait grâce à un parachute fourni par le NII PDS [11][14]. Le parachute s'ouvre 17" après le largage, à une altitude d'environ 20km [15]. Un émetteur radio permet aux équipes de récupération de localiser les containers. La récupération des FIAR-1 a été un échec lors du premier vol de la V-1A, suite à un dysfonctionnement des parachutes. Ceux-ci sont donc modifiés, et le deuxième vol est un succès [11].

7. La version R-1B

La fusée R-1B est identique à la R-1A, à deux différences près. Premièrement, les deux containers es instruments FIAR-1 du GueoFIAN, qui ont maintenant une masse de 85kg [13], ne sont pas positionnés dans le compartiment arrière, mais dans des nacelles latérales fixées sur le corps de la fusée. Le but est de les protéger des gaz produits par le moteur RD-100 [11].

Deuxièmement, la partie haute de la fusée est allongée de trois mètres. Elle abrite notamment un instrument de l'Institut de Physique de l'Académie des Sciences (FIAN) pour l'étude du rayonnement cosmique [11].

Fig. 7.1 : La partie haute d'une R-1B, en version ailée.
Musée National d'Histoire de la Cosmonautique. Crédit : Nicolas PILLET.

Au-dessus de l'instrument du FIAN se trouve un compartiment hermétique qui permet d'emporter deux chiens. Ces expériences sont sous la responsabilité du NII AM. Un parachute, situé entre l'instrument du FIAN et le container hermétique, permet de récupérer l'ensemble [11].

La partie supérieure de la partie haute existe en deux variantes : une version ailée, développée par l'Institut de Recherches en Vol (LII), et une version dotée d'un spectroscope, développée par l'Institut National d'Optique (GOI) [11].

Fig. 7.2 : Schéma de la partie haute de la R-1B, dans la version spectroscope.
1. Spectroscope. 2. Compartiment des instruments. 3. Compartiment des chiens.
4. Compartiment du parachute. 5. Aérofreins.
Crédit : Первые исследования коротковолнового излучения солнца.

Fig. 7.3 : Le spectroscope de la R-1B.
Crédit : Первые исследования коротковолнового излучения солнца.

La R-1B a une masse au lancement de 14320kg, et une masse à vide de 5050kg. Au moment de l'arrêt du RD-100, la fusée a une vitesse de 1185m/s (Mach = 3,45). La partie récupérable de la partie haute a une masse de 590kg. L'altitude maximale est de 90 à 100km [13].

La partie haute est séparée du corps de la fusée après l'arrêt du moteur RD-100. Quatre aérofreins sont alors déployés, et permettent de réduire la vitesse à 140m/s. A l'altitude de 6 à 8km, le parachute de tirage est extrait, et permet de déployer le parachute de freinage [16].

8. La version R-1V

La fusée R-1V est strictement identique à la R-1B, à ceci près qu'elle n'emporte pas l'instrument du FIAN. A la place, elle dispose d'un parachute qui permet de récupérer la fusée toute entière [11].

Fig. 8.1 : Schéma de la R-1V
(ou de la R-1B, avec l'instrument du FIAN représenté séparément).
Crédit : Творческое наследие академика СП Королева.

Ainsi, comme on le voit sur la figure 8.2, le corps de la fusée, la partie haute (avec les chiens) et les deux containers FIAR-1 reviennent séparément. Le corps de la fusée, lors de son atterrissage, a une masse de 4160kg [13].

Fig. 8.2 : Profil de vol de la R-1V.
Crédit : Творческое наследие академика СП Королева.

Le parachute de récupération du corps de la fusée est ouvert quarante-cinq secondes après la séparation de la partie haute, au moyen de boulons pyrotechniques [11].

9. La version R-1D

La fusée R-1D est identique à la R-1B, à ceci près que les deux chiens ne sont pas dans un compartiment hermétique, mais dans des scaphandres individuels qui sont éjectés de la fusée lors de la descente [11].

Le scaphandre, fourni par l'usine Zvezda de Tomilino, est constitué d'une structure de protection étanche à trois couches et d'un casque sphérique en plexiglas. Le chien est inséré dans le scaphandre par l'arrière, et il y a des logements à l'avant pour ses pattes. L'oxygène est contenu dans deux bouteilles de deux litres à 150 bars, et un détendeur permet d'alimenter l'animal [17].

Fig. 9.1 : Le scaphandre de la R-1D.
Musée National d'Histoire de la Cosmonautique de Kalouga. Crédit : Nicolas PILLET.

Avec cette réserve, le chien peut respirer normalement pendant deux heures à deux heures et demi. La ventilation du scaphandre est assurée à un débit nominal de 6L/min par une vanne réglante automatique qui maintient la pression entre 400hPa et 440hPa [17].

Le premier scaphandre est éjecté à l'altitude de 75-85km, et le second à 35km. Pour chacun des scaphandres, le parachute est ouvert automatiquement à l'altitude de 3-4km. Au moment de son ouverture, une vanne s'ouvre pour relier le scaphandre à l'extérieur. Pendant la descente, le chien passe par une phase de microgravité de 220" [17].

La R-1D a une masse au lancement de 13836kg (4426kg à vide), et elle atteint l'altitude de 110,8km. Au moment de l'arrêt de son moteur RD-100, elle vole à la vitesse de 1230m/s (Mach = 3,58). La partie haute, récupérée sous parachute, a une masse de 734kg [13].

Fig. 9.2 : Schéma de la R-1D.
Crédit : Творческое наследие академика СП Королева.

Le compartiment à la base de la partie haute, qui était occupé par l'instrument du FIAN sur la R-1B, et par un parachute sur la R-1V, est ici utilisé pour loger deux instruments scientifiques. Le premier mesure la distribution ionique dans les couches supérieures de l'atmosphère, et le second la propagation des ondes basse fréquence [11].

De plus, des études de l'atmosphère sont également menées avec la R-1D, qui est équipée d'un container atmosphérique chargé de collecter de l'air à haute altitude (entre 80 et 110km). Ce container bénéficie d'un système d'amortissement afin d'assurer qu'il ne soit pas endommagé lors du contact avec le sol. Une fissure pourrait en effet fausser complètement les résultats des mesures, si elle permet à de l'air de pénétrer à l'intérieur après l'atterrissage [11].

La partie supérieure de la partie haute abrite un capteur de pression pour faire des mesures dans la haute atmosphère. Cette même partie supérieure contient un instrument du LII dont le but est de mesurer la pression de l'air lors de la phase de vol supersonique [11][18].

10. La version R-1E

La dernière version de la R-1, appelée R-1E, a pour objectif de tester de nouvelles techniques de récupération du corps de la fusée. Ces investigations avaient été initiées avec la R-1V.

Cette fois, le parachute du corps de la fusée n'est pas ouvert par des boulons pyrotechniques après la séparation de la partie haute. Il est tiré hors de son compartiment par la partie haute elle-même pendant sa séparation. La partie haute est pour cela équipée de trois petits moteurs à propergols solides, qui lui donnent une vitesse relative de 12m/s au moment de la séparation [11].

Fig. 10.1 : Schéma de la R-1E et de sa partie haute.
1. Modèle pour l'étude des frottements sur les surfaces rugueuses. 2. Instruments de mesure de la pression et de la composition de l'air. 3. Compartiment des chiens. 4. Système de récupération de la partie haute. 5. Appareils photo pour l'étude des nuages. 6. Spectroscope.
Crédit : Творческое наследие академика СП Королева.

Ce système ne s'avère toutefois pas efficace et, à partir de la troisième R-1E, ce sont de nouveau des boulons pyrotechniques qui sont utilisés. Cette fois, en revanche, ils ne servent pas juste à libérer le parachute de tirage, mais aussi le parachute de freinage. Les quatre essais de récupération réalisés avec ce système seront des succès [11].

La R-1E a une masse au lancement de 14211kg (4800kg à vide), et atteint l'altitude de 100km. Au moment de l'arrêt du moteur RD-100, elle a la vitesse de 1183m/s. La partie haute, lors de sa récupération, a une masse de 760kg, et le corps de la fusée a une masse de 4286kg [13].

La version R-1E est également utilisée pour poursuivre les investigations scientifiques du NII AM sur les animaux, avec les mêmes scaphandres pour chiens que sur la R-1D. Le GOI fournit également un spectroscope pour l'étude du Soleil [16].

Fig. 10.2 : Le spectroscope de la R-1E.
Crédit : Первые исследования коротковолнового излучения солнца.

Fig. 10.3 : Profil de vol de la R-1E.
Crédit : Творческое наследие академика СП Королева.

Notes et bibliographie

[1] RAÏKOUNOV, G., По велению времени, 2006, pp. 12-13
[2] SMIRNOV, G., Ракетные системы РВСН. От Р-1 к "Тополю-М", pp. 38-46
[3] SKOVORODA-LOUZINE, V., Телеметрия. Глаза и уши Главного конструктора, cité dans le journal Impoulss n°05/2010
[4] MEZHIRITSKI, E., Труды ФГУП "НПЦАП", 2013, pp. 9-10
[5] PESLIAK, A., Величие и драма "невстроившегося" ученого, NK n°06-2006 p. 65
[6] AVERBOUKH, V., Космическая прецизионная электромеханика, VNIIEM
[7] TCHERTOK, B., Ракеты и люди, Vol. 2, 2013, p. 130
[8] TCHERTOK, B., Op. Cit., p. 28
[9] LIPKINE, I., История создания отечественных систем радиоуправления РДД, 2001, pp. 11-17
[10] KATORGUINE, B., Путь в ракетной технике, 2004
[11] RAOUCHENBAKH, B. Королев и его дело, pp. 542-548
[12] TCHERTOK, B., Op. Cit., p. 143
[13] KELDYCH, M., Творческое наследие академика С.П. Королева, 1980, pp. 534-542
[14] Lettre de BLAGONRAVOV du 4 septembre 1951
[15] KELDYCH, Op. Cit., pp. 348-361
[16] YAKOVLEVA, A., Первые исследования коротковолнового излучения солнца
[17] ABRAMOV, I., Космические скафандры России, pp. 37-41
[18] D'après RAOUCHENBAKH, Op. Cit., p. 547, le container de prélèvement d'air avait également volé sur une R-1B (28.08.1951) et sur une R-1V (19.08.1951).
[19] LEONTIENKOV, A., ЦКБТМ 50 лет, 1997, pp. 9-14


Dernière mise à jour : 2 août 2015