Fregat | Histoire

Les lanceurs de classe Soyouz sont uniquement adaptés pour placer des charges utiles sur orbite basse. Pour atteindre des orbites plus hautes, ou pour envoyer une sonde sur une trajectoire interplanétaire, ils doivent être équipés d'un étage supérieur.

Dès 1960, un tel étage a été développé par la RKK Energuia (OKB-1 à l'époque) : il s'agissait du Bloc L et de ses dérivés. Les lanceurs équipés du Bloc L étaient appelés Molnia (8K78) ou Molnia-M (8K78M).

En 1991, la Russie lance un vaste programme de modernisation de son lanceur, qui deviendra à terme Soyouz-2. Parallèlement, il faut lancer le développement d'un nouvel étage supérieur, et la NPO Lavotchkine propose son projet d'étage Fregat. L'un des objectifs est de donner aux lanceurs Soyouz la capacité d'atteindre des orbites de transfert géostationnaire. Avec le Bloc L, un lanceur Molnia-M ne peut envoyer que 400 à 700kg sur ce type d'orbites [4].

NPO Lavotchkine est responsable depuis plusieurs décennies de toutes les sondes spatiales soviétiques. Elle a donc acquis une grande expérience dans la réalisation de blocs de propulsion, et compte la mettre à profit pour ce nouveau grand projet.

Alors que la proposition était acceptée de manière informelle tant par l'agence spatiale fédérale que par les Forces Spatiales, la RKK Energuia a mis sur la table une autre option : réutiliser son Bloc L, en remplaçant le moteur S1.5400 par le RD-58M, déjà éprouvé sur les étages supérieurs Bloc D, qui équipent les lanceurs Proton.

Le problème avec cette solution, c'est que le Bloc L d'Energuia est nettement plus volumineux que le projet de Fregat de Lavotchkine, ce qui limiterait considérablement la taille maximale autorisée pour les satellites à embarquer sous la coiffe de Soyouz-2.

Mais la RKK Energuia avance un autre argument : son Bloc L utilise des ergols non toxiques (kérosène et oxygène liquide), ce qui simplifie les opérations de préparation et limite les risques pour les intervenants et pour l'environnement. Le Fregat, quant à lui, utiliserait des ergols hautement toxiques et polluants (UDMH et tétraoxyde d'azote).

Mais Lavotchkine contre-argumente en soulignant que le Fregat serait monté sous coiffe, à l'instar des satellites qu'il emporterait, et que ces derniers sont en général eux aussi chargés d'ergols toxiques. Les infrastructures de remplissages devront donc de toute façon être créées. Le Fregat sera rempli dans un bâtiment spécifique, et non sur le pas de tir. De plus, Lavotchkine rappelle à Energuia que ses vaisseaux Soyouz et Progress fonctionnent eux aussi avec des ergols toxiques [3].

Finalement, ce sera la proposition de Lavotchkine qui sera sélectionnée, et le développement du Fregat est entériné le 14 décembre 1993, en même temps que celui du lanceur Soyouz-2 (projet Rouss).

Toutefois, suite à d'importants problèmes de financement, il n'est pas possible de réaliser tous les essais nécessaires sur les nouveaux systèmes qui doivent équiper le Fregat. La NPO Lavotchkine décide donc d'utiliser des systèmes plus anciens et déjà qualifiés en vol. Par conséquent, la fiabilité de l'étage est optimisée, mais au détriment de ses performances [1]. De nombreuses modernisations viendront donc au cours des années d'exploitation.

Les premiers essais du moteur principal S5.92 et des moteurs d'orientation SOZ débutent au NII KhimMach en 1997. Ils ont lieu sur le banc d'essais IS-101 et toute la campagne d'essais se déroule de façon nominale [2].

Parallèlement, en 1996-1997, le NII KhimMach mène des essais de l'étage Fregat complet dans son autoclave VK600/300. La pression dans les réservoirs est abaissée jusqu'à 5.10-6mmHg [2].

Le premier vol est réalisé en février 2000. Depuis, près de cinquante missions ont été menées à bien. Un échec partiel a été enregistré lors du vol du 21 mai 2009 suite à une erreur humaine. Un autre échec partiel, dû à un défaut de conception, est survenu le 22 août 2014.

Une version plus lourde, appelée Fregat-MT, a été développée spécialement pour les lancements de grappes de satellites européens GALILEO depuis le Centre Spatial Guyanais.

Une autre version, dotée d'un réservoir supplémentaire et baptisée Fregat-SB, a été développée pour équiper le lanceur lourd Zenit-2SB. Le premier vol a été réalisé le 20 janvier 2011.

Bibliographie

[1] ASSIOUCHKINE, V., Модернизация разгонного блока "Фрегат", Vestnik n°2-2009
[2] MAKAROV, A., Наземные испытания ракетно-космической техники, p. 216
[3] KIRILINE, A., Самарские ступени Семерки, p. 159
[4] AFANASSIEV, I., Геостационарная миссия "Союза", Novosti Kosmonavtiki n°02-2004


Dernière mise à jour : 5 janvier 2019