Cosmos-3 | Histoire

1. Introduction

Les lanceurs de la famille Cosmos sont dérivés du missile intercontinental R-14. Il existe plusieurs versions, listées dans le tableau 1.

Il est important de noter que le nom Cosmos a également été donné à une autre famille de lanceurs qui sont, quant à eux, dérivés du missile R-12.

Nom Index Entrée en service Retrait
du service
Nombre
de vols
Remarques
Cosmos-311K651964196812Aussi appelée 65S3
Cosmos-3M11K65M19672010445
-K65M-R???Version suborbitale
-K65M-RB51980198813
Cosmos-3MU11K65MU--- Projet abandonné
Tableau 1 : Les différentes versions de lanceurs Cosmos.

2. Le missile R-14

Le missile R-14 (8K65) a été développé par l'OKB-586 de Mikhaïl YANGUEL, basé à Dniepropetrovsk, dans le centre de l'Ukraine.

Le projet a été accepté par le Comité Central du Parti communiste le 2 juillet 1958. Il s'agit d'une fusée mono-étage à ergols stockables (UDMH et AK-27), ce qui lui permet d'être conservée prête au lancement par les militaires.

Par rapport au R-12, le volume de carburant a été augmenté grâce à un nouveau procédé de fabrication des panneaux d'aluminium des réservoirs. Pour la première fois, un système de stabilisation à gyroscopes est utilisé; il en résulte une plus grande fiabilité et une meilleure précision. Le missile est aussi équipé de trois rétrofusées destinées à éviter une collision avec la charge utile une fois celle-ci séparée.

Le premier tir d'un R-14 a lieu le 22 juin 1960 depuis Kapoustine Yar. La fusée est déclarée opérationnelle dès le mois d'avril 1961.

Plus tard, l'OKB-586 développera la version R-14V (ou V-14V). Il s'agit d'une fusée-sonde, destinée à des études géophysiques. Comme la lettre "V" de son nom l'indique, elle est lancée à la verticale, contrairement aux versions militaires qui étaient tirés dans la direction optimale. C'est cette version qui, d'ici quelques années, servira de base aux lanceurs Cosmos.

Une nouvelle version, baptisée V-3-A (ou Mir), sera utilisée entre 1976 et 1983 pour le programme scientifique Vertikal.

3. Le premier lanceur Cosmos

Au début des années 1960, l'Union soviétique dispose de lanceurs lourds, dérivés du R-7, et de lanceurs légers, dérivés du R-12. En revanche, le besoin se fait cruellement sentir pour une fusée de classe intermédiaire, capable de placer quelques centaines de kilogrammes en orbite basse. Un tel engin permettrait de lancer les satellites de type Meteor, Strela et Ptchela qui sont actuellement en projet.

Il apparaît rapidement que le R-14 de YANGUEL semble tout désigné pour servir de base à ce nouveau lanceur. Ses capacités correspondent très précisément aux besoins qui ont été identifiés.

Le 3 août 1960, le Comité central publie le décret n°867-363 qui demande la réalisation d'un lanceur orbital basé sur le R-14. Les ingénieurs de l'OKB-586 entament une étude préliminaire, et ils remettent leur conclusion en avril 1961. Ces dernières sont très favorables et c'est ainsi que, le 30 octobre 1961, le Comité central publie un décret (n°984-425) pour autoriser le développement.

Le nouveau lanceur reçoit le nom Cosmos-3 (11K65), ou 65S3. Il comprend deux étages : le premier est constitué d'un R-14 en version R-14V, et le second, développé spécialement dans cet objectif, est dénommé S5M.

Un tournant intervient en novembre 1962. Comme ces travaux n'entrent pas dans le domaine d'activité de son bureau d'étude, qui est avant tout chargé de concevoir des missiles balistiques, YANGUEL décide de transférer le projet à l'OKB-10 de Mikhaïl RECHETNIOV. Là-bas, il est décidé de remplacer le S5M par un autre étage "fait maison" : le S3.

Le premier vol de Cosmos-3 intervient le 18 août 1964 et est un succès. Douze tirs suivront jusqu'en 1968 (dont trois échecs) pour mettre en orbite des satellites de télécommunications de classe Strela. Les lancements ont lieu depuis le pas de tir n°15 de la zone n°41 du cosmodrome de Baïkonour.

Cette infrastructure avait été construite pour le programme de missile R-16 et a été modifiée pour pouvoir recevoir Cosmos-3.

4. Le lanceur Cosmos-3M

Au cours de l'exploitation de Cosmos-3, les ingénieurs mettent au point une version améliorée du deuxième étage, qui est désormais réallumable et dont la poussée est modulable. Le nouveau lanceur ainsi créé prend la désignation Cosmos-3M (11K65M).

Cosmos-3M est capable de placer une charge utile de 1500kg à 250km d'altitude. Sa hauteur sur le pas de tir est de 32,4m, son diamètre de 2,4m, et sa masse de 109t.

Le premier vol intervient le 15 mai 1967 depuis le cosmodrome de Plesetsk. En effet, il a été décidé de ne plus utiliser les infrastructures de Baïkonour, et tous les tirs auront maintenant lieu de Plesetsk ou de Kapoustine Yar.

Fig. 4.1 : Deux lanceurs Cosmos-3M en préparation.
Crédit : ISS Rechetniov.

Au cours des années suivantes, le lanceur est utilisé notamment pour mettre sur orbite les satellites géodésiques Sfera (11F621) ou les satellites de renseignement électromagnétique Tselina-OM (11F616M).

En 1968, la production en série des lanceurs Cosmos-3M est transférée au PO Poliot, basé à Omsk. Le premier lanceur assemblé par le Département n°66 du PO Poliot décolle le 21 octobre 1969 [6]. Le premier lanceur de série, produit entièrement par le PO Poliot, décolle le 27 juin 1970 [7].

Cosmos-3M se révèle extrêmement fiable et les militaires soviétiques ne voient aucune raison de stopper son exploitation. Toutefois, le 26 juin 1973, un accident tue neuf personnes au pas de tir n°133 de Plesetsk lorsque les ergols sont mélangés par mégarde pendant les préparatifs d'un lancement.

En 1991, l'Union soviétique implose et la nouvelle Fédération de Russie est plongée dans une très grave crise budgétaire. La production des lanceurs Cosmos-3M est interrompue, mais les lancements sont poursuivis à un faible rythme car l'armée avait accumulé un grand stock de lanceurs.

En 1994, le PO Poliot s'associe avec Rossoboronexport (l'administration qui gère les exportations d'armes) et la firme allemande OHB-System pour créer le consortium "Cosmos International", dont la vocation est de commercialiser le lanceur Cosmos-3M. La firme russe Pouskovie Uslougui ("Service de lancement") s'est également lancée dans la commercialisation de Cosmos-3M. Le prix d'un tir est estimé à environ 10 ou 15 millions de dollars.

Fig. 3 : Le logo de Cosmos International.
Crédit : DR.

Cosmos International espère aussi pouvoir moderniser Cosmos-3M afin de mieux l'adapter aux tirs commerciaux. Les charges additionnelles "Rubin", embarquées à trois reprises, sont des appareils solidaires du deuxième étage, même après le largage des satellites. Construites par OHB-System, elles sont chargées de tester un système de télémétrie via un réseau de satellites et de réaliser des mesures de l'environnement du lanceur (vibrations, températures, etc.).

Au début des années 2000, l'armée allemande confie à des lanceurs Cosmos-3M le lancement de ses satellites SAR-Lupe. Ces engins étant plus gros que ceux que Cosmos-3M a l'habitude de lancer, le PO Poliot doit développer une nouvelle coiffe, plus spacieuse. Cette dernière a une longueur de 4,7m, un diamètre de 2,2m et offre un volume de 10 mètres cubes. Elle est testée en vol en janvier 2005. Sa masse est légèrement supérieure à celle d'une coiffe classique, et donc les performances du lanceur sont sensiblement diminuées.

En mars 2004, le général Anatoli PERMINOV, qui vient de prendre les commandes de la nouvelle Agence Spatiale Fédérale (Roscosmos), annonce qu'il va essayer de relancer la production en partenariat avec l'administration de la région de Omsk.

Mais un nouveau problème survient : celui de l'écologie. Cosmos-3M utilise de l'UDMH comme carburant, et ce dernier est très nocif pour l'environnement. La région d'Arkhanguelsk exerce de fortes pressions sur les autorités spatiales pour que les lancements cessent. En janvier 2005, les Forces Spatiales annoncent que l'exploitation des Cosmos-3M prendra fin en 2010 environ.

Mais Roscosmos ne l'entend pas de cette façon, et le 2 décembre 2005, Anatoli PERMINOV se rend à Omsk et signe avec le gouverneur Leonid POLEZHAÏEV un accord visant à encourager la reprise de la production des lanceurs.

En décembre 2007, le général POPOVKINE, commandant des Forces Spatiales, annonce officiellement que l'exploitation de Cosmos-3M prendra fin en 2010 ou en 2011, et qu'aucune modernisation ne sera apportée au lanceur.

5. La version 65MP

La version Cosmos 65MP a été lancée 337 fois entre 1973 et 1999. Elle comprend deux sous-versions :

5.1. La version K65M-R

La version Cosmos-3MP, ou K65M-R, est une adaptation de la Cosmos-3M pour les vols suborbitaux destinés à tester un système anti-missile. Un tir a été effectué le 22 avril 2006.

5.2. La version K65M-RB5

C'est une version modifiée de la K65M-R destinée à lancer les véhicules BOR. Il faut noter que le consortium Cosmos International a fait état d'un projet visant à utiliser ce lanceur pour tester le véhicule allemand Astra.

6. Le projet Cosmos-3MU

Cette version, également dénommée Vzliot, fût envisagée par le PO Poliot comme une ultime modernisation de Cosmos-3M.

Elle devait être équipée d'un nouveau système de contrôle numérique, permettant ainsi de remplir les réservoirs de manière beaucoup plus précise et adaptée au besoin exact de chaque mission. Ainsi, le carburant embarqué aurait été complètement consommé et il n'y aurait pas eu de gaspillage. Les réservoirs, quant à eux, devaient être agrandis. Grâce à ces améliorations, le PO Poliot prévoyait une augmentation de la masse de la charge utile de 25%.

Fig. 4 : Cosmos-3M (à gauche) et Cosmos-3MU.
Crédit : DR.

Cosmos-3MU devait avoir une masse de 11t pour une hauteur de 33,1m. Elle devait envoyer une charge utile de 1,5t sur une orbite polaire circulaire de 200km d'altitude. Le premier tir avait un temps été annoncé pour 1998, mais ce projet a été abandonné.

Bibliographie

[1] Le site d'Anatoli ZAK
[4] Le site de Cosmos International
[5] Air&Cosmos n°1529
[6] Заводская ЖИЗНЬ, Journal du Po Poliot du 9 avril 2008
[7] Заводская ЖИЗНЬ, Journal du Po Poliot du 23 octobre 2009


Dernière mise à jour : 15 novembre 2014