Le système UPMK

1. Le premier projet

Le 23 juin 1960, le Comité central du Parti communiste d'Union soviétique publie un décret (n°715-296) fondateur pour le programme de vols spatiaux habités. Le document demande notamment à l'usine 918 de Tomilino, dans la banlieue de Moscou, de développer le scaphandre que devront porter les futurs cosmonautes pour se déplacer dans l'Espace.

Les équipes de l'usine 918 ne se contentent pas de concevoir le scaphandre lui-même, mais aussi un système de déplacement et de manœuvre, en Russe UPMK (Установка для перемещения и маневрирования космонавта).

Selon le cahier des charges transmis par le Bureau d'Etudes Expérimentales n°1 (OKB-1) de Sergueï KOROLIOV le 1er décembre 1961, l'UPMK devra permettre au cosmonaute, lors de ses sorties dans l'Espace, de se déplacer librement sans rester attaché à son vaisseau, afin de pouvoir réparer ou inspecter un satellite, secourir un camarade ou transporter une charge. Il devra aussi être compatible avec le scaphandre en cours de développement à l'époque, le SKV [1].

En 1962-1963, l'usine 918 réalise une étude sur la dynamique du vol de l'UPMK conjointement avec l'institut NII-2. Le système de déplacement de l'UPMK sera constitué de douze moteurs à ergols liquides, qui seront l'UDMH pour le carburant, et l'acide nitrique (avec un additif iodé) pour le comburant. Afin de permettre les déplacements selon les trois axes, il y aura quatre moteurs dirigés vers l'avant, quatre dirigés vers l'arrière et deux de chaque côté. Les ergols seront maintenus sous pression par un ballon d'azote.

Fig. 1.1 : Le premier projet d'UPMK sur le scaphandre SKV.
Crédit : Космические скафандры России.

L'UPMK aura une masse totale de 65kg, dont 6kg d'ergols capables de fournir une impulsion totale de 15000N.s. Le cosmonaute pourrait alors atteindre une vitesse maximale de 50m/s. De plus, une réserve d'ergols de secours de 2kg permet de disposer de 5000N.S d'impulsion supplémentaire [1].

En 1964, une version à air comprimé de l'UPMK est construite pour mener à bien une campagne d'essais sur l'avion parabolique Tu-104AK, mis en œuvre depuis le Centre d'Essais en Vol (LII) [1].

2. Modifications pour le vaisseau Soyouz

Toujours en 1964, l'OKB-1 décide de réaliser des vols sur orbite terrestre avec son vaisseau Soyouz, et demande à l'usine 918 de développer un scaphandre pour effectuer des sorties dans l'Espace. C'est cette même année que Gaï SEVERINE, un ancien du LII, prend la tête de l'usine 918.

Fig. 2.1 : Gaï Ilitch SEVERINE.
Crédit : DR.

La première sortie dans l'Espace de l'Histoire est menée à bien le 18 mars 1965 depuis le vaisseau Voskhod-2 par le cosmonaute Alekseï LEONOV, équipé du scaphandre Berkout.

Les cosmonautes des futurs Soyouz utiliseront un scaphandre dérivé du Berkout appelé Yastreb. Par la suite, le scaphandre SKV est abandonné, et le Yastreb est également prévu pour être utilisé depuis les stations orbitales militaires Almaz.

Suite au changement de scaphandre, la conception de l'UPMK doit être revue. Il a dorénavant la forme d'une selle de cheval, que le cosmonaute en scaphandre devra enjamber, et une masse de 90kg. Deux systèmes de propulsion indépendants permettent d'assurer les déplacements selon les trois axes [1]. Les différents systèmes sont alimentés par deux batteries (normale et secours) qui peuvent fournir une énergie de 980W.h et ont une autonomie de quatre heures. La vitesse maximale atteignable est de 32m/s [2].

Fig. 2.2 : Le prototype de l'UPMK sur le scaphandre Yastreb.
Musée de la NPP Zvezda. Crédit : Nicolas PILLET.

Le premier système est constitué de deux panneaux placés à l'avant et à l'arrière de l'UPMK. Chaque panneau possède quarante-deux moteurs à ergols solides (PRD) qui assurent les déplacements linéaires vers l'avant et vers l'arrière, ainsi que le freinage. Chaque moteur est disposé de façon à ce que son vecteur poussée passe par le centre de masse de l'ensemble constitué de l'UPMK et du scaphandre avec son occupant [1].

Les moteurs à ergols solides ne peuvent fonctionner qu'une fois chacun. Le cosmonaute ne pourra donc réaliser que quarante-deux mouvements vers l'avant, et autant vers l'arrière avant d'avoir consommé la totalité des ergols solides disponibles. Chaque moteur à ergols solides donne une impulsion de 45N.s, ce qui fournit un delta-V de 0,2m/s. Les moteurs sont mis en service un à la fois par des boutons poussoirs sur le pupitre de commande de l'UPMK [1]. Deux compteurs indiquent au cosmonaute combien de moteurs il a déjà utilisés.

Fig. 2.3 : Détail des systèmes de propulsion de l'UPMK.
On voit les 42 moteurs à ergols solides du panneau avant, ainsi que
quatre des quatorze propulseurs à air comprimé (numérotés 6, 8, 11 et 12).
Musée de la NPP Zvezda. Crédit : Nicolas PILLET.

Le second système est constitué de quatorze propulseurs à air comprimé (VRD) qui permettent les déplacements selon six degrés de liberté (trois linéaires et trois angulaires). Huit de ces moteurs fournissent une poussée de 2,5N, et les six autres une poussée de 5,0N [1]. L'impulsion totale fournie par les VRD est de 4000N.s [2].

Un système de contrôle permet d'assurer une stabilisation automatique avec une sensibilité de 0,6°/s. Les propulseurs à air comprimé sont commandés par deux manettes (fig. 2.3). Celle de gauche commande les déplacements linéaires, et celle de droite les déplacements angulaires [2].

Fig. 2.4 : Le pupitre de commande de l'UPMK.
Musée de la NPP Zvezda. Crédit : Nicolas PILLET.

Deux prototypes de l'UPMK sont construits par l'usine 918 en 1966. Ils sont testés au NII-2 et sur un banc d'essai à un degré de liberté construit spécialement par l'usine 918. D'autres essais sont également conduits au TsKBM sur les stations Almaz [1].

Fig. 2.5 : Le prototype de l'UPMK sur le banc d'essais de l'usine 918.
Crédit : Космические скафандры России.

Le développement de l'UPMK est terminé en 1968 mais, l'année suivante, le scaphandre Yastreb est abandonné au profit de l'Orlan. L'usine 918 et le TsKBM décident respectivement les 20 novembre et 28 décembre 1969 de développer une version de l'UPMK adaptée pour ces nouveaux scaphandres. Mais ces études sont par la suite interrompues, car le besoin pour un tel système ne se fait plus ressentir [1].

Fig. 2.6 : L'UPMK.
Crédit : DR.

3. La version américaine

Aux Etats-Unis, l'US Air Force a développé un équivalent de l'UPMK appelé AMU (Astronaut Maneuvering Unit) afin d'équiper les astronautes des vaisseaux Gemini dans le cadre du programme de station orbitale militaire MOL, l'équivalent des Almaz. Un essai de l'AMU est tenté par l'astronaute Eugene CERNAN le 5 juin 1966, lors du vol Gemini IX-A, mais n'est pas concluant. CERNAN n'arrivera pas, en effet, à revêtir son AMU.

Fig. 3.1 : Le système américain AMU.
Crédit : NASA.

L'AMU, contrairement à l'UPMK, utilise des moteurs consommant un monergol, le peroxyde d'hydrogène, et il a la forme d'un sac à dos. Des études pour un nouveau système de déplacement individuel reprendront vingt ans plus tard aussi bien aux Etats-Unis (MMU) qu'en Union soviétique (21KS).

Bibliographie

[1] ABRAMOV, I., et al., Космические скафандры России, Moscou, 2005, pp. 213-217
[2] ABRAMOV, I., Скафандры и системы для работы в открытом космосе, Moscou, 1984, p. 231


Dernière mise à jour : 26 juillet 2017