IS | Descriptif technique

1. Généralités

Les satellites IS (Истребитель Спутников), ou chasseurs de satellites, ont été développés par le bureau d'études OKB-52 de Vladimir TCHELOMEÏ à partir du 16 mars 1961. La maîtrise d'œuvre du programme a été transférée le 25 décembre 1964 au KB-1 d'Aleksandr RASPLETINE.

Les IS ont une masse au lancement de 2450kg, et sont constitués de trois éléments distincts [1] :

- un container hermétique, qui abrite le système de contrôle et le radar,
- un ensemble moteur,
- la charge utile militaire.

Fig. 1.1 : Schéma d'un satellite IS.
Crédit : 60 лет самоотверженного труда во имя мира.

Les IS ont existé en plusieurs versions :

- La version de base 5V91,
- La version 5V91T, qui était a priori la première à être complètement opérationnelle,
- La version 5V91AT, qui utilisait un détecteur infrarouge à la place du radar,
- La version 5V91M dont on ne sait rien, mais qui était a priori une version non opérationnelle pour qualifier le lanceur Tsiklone-2.

La version de base 5V91 a elle-même été déclinée en plusieurs sous-versions : le premier prototype I-2B (avec le moteur de l'OKB-2), le prototype I-1B (avec le moteur définitif de l'OKB-300) et la sous-version I-2BM.

Fig. 1.2 : Un satellite IS.
Crédit : TsNII Kometa.

Fig. 1.3 : Un satellite IS.
Crédit : NPO Machinostroïenia.

2. Le lanceur

Le projet originel de l'OKB-52 consistait à placer les IS sur orbite à l'aide de lanceurs dérivés du missile UR-200. Ce dernier prenant du retard, les premiers prototypes Poliot ont été mis sur orbite par des lanceurs Poliot (11A59).

Le lanceur suivait une trajectoire balistique, et le satellite devait assurer lui-même sa mise sur orbite en donnant une impulsion supplémentaire de 300m/s. Le deuxième étage (Bloc A) était équipé de rétrofusées pour garantir l'absence de choc avec le satellite au moment de sa séparation [3].

Fig. 2.1 : Les lanceurs Poliot et Tsiklone-2.
Crédit : Aleksandr CHLIADINSKI.

Après les réformes de 1964, le programme UR-200 est abandonné. Le lancement des satellites IS incombe désormais au lanceur Tsiklone-2A (11K67) de l'OKB-586. Il ne s'agit que d'une version d'essai, qui est remplacée dès 1969 par le Tsiklone-2 (11K69).

3. La motorisation

3.1. Les satellites IS opérationnels

Les satellites IS sont dotés d'un moteur principal et de seize moteurs d'orientation et de stabilisation, qui sont tous alimentés par les mêmes réservoirs. Le moteur principal est capable de fournir un delta-V total de 1200m/s [1].

L'ensemble moteur est fourni par l'OKB-300 de Sergueï TOUMANSKI. Doté d'une unique chambre de combustion, il fournit une poussée d'environ 600kgf [2][6].

Fig. 3.1.1 : Le moteur principal.
Crédit : Novosti Kosmonavtiki.

Les quatre moteurs d'orientation sont identiques au moteur principal et sont disposés sur les flancs du satellite. Six autres moteurs, pour la stabilisation, fournissent une poussée de 16kgf, et lessix moteurs de stabilisation fine ont une poussée de 1kgf [6].

Fig. 3.1.2 : Un moteur d'orientation et une paire de moteurs de stabilisation.
Crédit : Novosti Kosmonavtiki.

3.2. Les prototypes Poliot

L'OKB-300 n'ayant pas pu fournir son moteur à temps pour le premier vol, le premier prototype Poliot-1 était équipé d'un moteur développé en urgence par l'OKB-2 d'Alekseï ISSAÏEV. Comme il fournissait une poussée plus faible (400kgf), il en fallait deux dans l'axe longitudinal [3].

Fig. 3.2.1 : Le satellite Poliot-1 avec ses deux moteurs de l'OKB-2.
Crédit : NPO Machinostroïenia.

Quatre autres moteurs identiques étaient montés sur les flancs afin d'assurer l'orientation. L'orientation fine était réalisée au moyen de plusieurs petits moteurs de 16kgf et 1kgf fournis, déjà, par l'OKB-300 [3].

Fig. 3.2.2 : Vue des moteurs d'orientation du satellite Poliot-1.
Musée Mémorial de la Cosmonautique. Crédit : Nicolas PILLET.

Les réservoirs d'ergols sphériques étaient fournis par l'OKB-52. Ils étaient équipés d'une membrane métallique qui séparait l'ergol d'un gaz sous pression. C'est en augmentant la pression de ce gaz que l'ergol était expulsé vers la chambre de combustion, qui était dépourvue de turbopompe. Ce système permettait de rallumer les moteurs à plusieurs reprises en conditions de microgravité [3].

4. Le système de contrôle

Le système de contrôle des satellites IS est fourni par le KB-1 [3]. Plus précisément, c'est son OKB-41 qui développe le radar et le système de contrôle général du satellite, et son OKB-39 qui développe le sous-système de contrôle de l'orientation et de la stabilisation [5].

5. La charge militaire

Appelée Pantograf du fait de sa forme [4], elle est constituée de deux charges explosives qui dispersent des fragments métalliques à grande vitesse. Elle est fournie par le TsNIIKhiMM de Kirill CHAMCHEV [5].

6. Le segment sol

6.1. Les stations radars

Le fonctionnement du système IS est basé sur la détection d'une menace par les Forces armées soviétiques. Le système de détection est constitué de deux stations radars : OS-1 à Micheliovka (près d'Irkoutsk), et OS-2 à Sary-Chagan, au Kazakhstan. Chacune de ces deux stations est équipée de quatre radars Dniestr fournis par le KB-1 [5].

Fig. 6.1.1 : Situation des deux stations OS.
Crédit : DR.

Elles formeront plus tard la base du SKKP, le Système de Contrôle de l'Espace des Forces armées soviétiques, équivalent du NORAD américain. L'espacement entre OS-1 et OS-2 est calculé pour que, quand OS-1 voit un satellite, OS-2 le voit lors de son orbite suivante [5][6].

6.2. Le poste de commandement

Les informations recueillies par les stations radars sont transmises en temps réel au 1069ème poste de commandement du système IS, situé à Noguinsk-9 (aussi appelée Doubrovo) près de Moscou, et géré par l'unité 03159. Le poste de commandement est parfois appelé Objet 224 [7].

Fig. 6.2.1 : Schéma du poste de commandement.
Crédit : TsNII Kometa.

Après estimation de la dangerosité du satellite identifié par les radars, le poste de commandement peut décider de lancer une frappe et calcule les paramètres que devra avoir l'orbite du satellite intercepteur. Une fois ce dernier lancé depuis Baïkonour, ses propres radars mesurent son orbite réelle et, si besoin, des antennes envoient les paramètres pour une éventuelle correction [5].

Le poste de commandement est constitué du Centre Principal de Calcul et de Commande (GKVTs) et de la Station de Définition de Données et d'Envoi des Commandes (SOK i PK). Cette dernière est constituée de cinq radars.

Fig. 6.2.2 : Le radar central du poste de commandement.
Crédit : TsNII Kometa.

Bibliographie

[1] LEONOV, A., et al., 60 лет самоотверженного труда во имя мира, Moscou, 2004, p. 242
[2] POLIATCHENKO, V., На море и в космосе, Saint-Pétersbourg, 2008, p. 78
[3] Ibid., pp. 86-94
[4] ZAMIATINE, O., Мы стремились к небу..., p. 186
[5] VLASKO-VLASSOV, K., От "Кометы" до "Око", Moscou, 2002, pp. 103-111
[6] MISNIK, V., "Комета" - 35 лет, Moscou, 2008, pp. 50-60
[7] PERVOV, M., Системы ракетно-космической обороны создавались так, Moscou, 2004, pp. 129-140


Dernière mise à jour : 23 décembre 2017